03 juin 2012

Un oiseau enveloppé de brumes


"Ce que j'éprouve n'a pas vraiment de nom , de nom connu. Quelque chose de moi s'est détaché et flotte dans l'air, invisible et pourtant consistant. Je me sens triste sans tristesse, seul sans solitude, heureux sans joie."
E. Fottorino

J'ai apprécié le livre d'Eric Fottorino "L'homme qui m'aimait tout bas", écrit après le décès de son père adoptif qui - selon ses propres termes - en l'adoptant à l'âge de dix ans "lui donna son nom et la vie". Avec le regret de la distance qu'apportent les années, la lente faillite (au propre comme au figuré) qui amena ce père admiré et adoré à se tirer une balle dans la tête la même semaine qui vit le fils, devenu directeur du Monde, affronter un directoire hostile dans une ambiance de dépôt de bilan du célèbre quotidien. "Aurais-je pu l'empêcher? Il aurait fallu parler ensemble. Depuis longtemps on ne parlait plus, ce qui s'appelle parler. On évitait ce qui aurait pu créer des tensions, de l'incompréhension. On restait en surface, là où ça ne risquait rien. On commentait le temps qu'il faisait, pas le temps qui nous éloignait." L'évocation des longues balades à vélo, des observations matinales du héron au long bec locataire des marais voisins, "oiseau enveloppé de brumes comme s'il rapportait des morceaux d'un nuage déchiré à coups de bec », des crabes «galets qui marchent" et de cette infinie nostalgie d'un auteur se penchant sur un passé récent en fait un bien beau récit.

Lu dans :
Eric Fottorino. L'homme qui m'aimait tout bas. NRF Gallimard. 2009. 148 pages. Extraits pp 127, 142, 143  

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