09 juin 2012

Lieux d'aisance et de méditation


Chaque fois que, dans un monastère de Kyôto ou de Nara, l'on me montre le chemin des lieux d'aisance construits à la manière de jadis, semi-obscurs et pourtant d'une propreté méticuleuse, je ressens intensément la qualité rare de l'architecture japonaise. Un pavillon de thé est un endroit plaisant, je le veux bien, mais des lieux d'aisance de style japonais, voilà qui est conçu véritablement pour la paix de l'esprit. Toujours à l'écart du bâtiment principal, ils sont disposés à l'abri d'un bosquet d'où vous parvient une odeur de vert feuillage et de mousse; après avoir, pour s'y rendre, suivi une galerie couverte, accroupi dans la pénombre, baigné dans la lumière douce des shôji* et plongé dans ses rêveries, l'on éprouve, à contempler le spectacle du jardin qui s'étend sous la fenêtre, une émotion qu'il est impossible de décrire, (..) [et] d'où l'on peut, à l'abri de murs tout simples, à la surface nette, contempler l'azur du  ciel et le vert du feuillage. Lorsque je me trouve en pareil endroit, il me plaît d'entendre tomber une pluie douce et régulière. (..) En vérité ces lieux conviennent au cri des insectes, au chant des oiseaux, aux nuits de lune aussi; c'est l'endroit le mieux fait pour goûter la poignante mélancolie des choses en chacune des quatre saisons."
Tanizaki Junichirô (1886-1965)

* paroi constituée de papier translucide monté sur une trame en bois

Lu dans:
Tanizaki Junichirô. Eloge de l'ombre. Publications orientalistes de France. 1933. ALC 1977 pour la traduction en français par René Sieffert. 112 pages. Extrait p.21

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