20 octobre 2010

Un soir un train

"Un train s'arrête puis, laconique, ce message tombe: "Incident de personne."
E. Pessan
On peut imaginer que pour une personne au moins, l'instant est critique. Tout fascine dans cette courte phrase: le souci de ne pas "heurter les sensibilités" par l'utilisation de termes neutres (incident versus accident, personne - terme générique entre tous, pouvant même aller jusqu'à nier une existence réelle si on retient sa signification finale "personne-rien"), sa brièveté, la capacité d'anticipation de ce qui peut se passer ensuite. On évoque aussitôt le film magistral "Un soir un train" de Delvaux et son train mystérieux stoppant la nuit en pleine campagne, ou le tout récent livre d'Eric Pessan. Un TGV freine inopinément, l'obscurité tombe progressivement, plongeant ses occupants dans un huis clos entre chien et loup que les langues vont délier, cousu de récits de vies d'autant plus intimes qu'une sourde angoisse empreint les usagers. La frontière entre le drame individuel, sa traduction aseptisée pour la société qui y assiste (La chute d'Icare de Breughel peignant une seule main surnageant des flots alors que le laboureur poursuit sa tâche inlassablement ne dit rien d'autre) et la brèche que cet accident inattendu ouvre dans nos existences demeure un étonnant sujet de réflexion pour les artistes.

Lu dans
Incident de personne. Eric Pessan. Albin Michel. 192 p

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