"C’est en automne qu’on fait le printemps. "
Il se cache dans certains jours d'automne une tiédeur, une complicité avec la nature et une intensité des couleurs qui réconcilient avec la vie. Le jardin panse ses plaies causées par la sécheresse ou les pluies diluviennes et se laisse gâter par cette douceur ambiante qui gagne. La saison est pleine de promesses pour autant qu'on redonne un coup de tonte, de bèche et de binette: l’année commence vraiment en ce moment et non au printemps. C'est l'heure des rêves et des projets d'embelllissement, d'essais de nouvelles espèces, de nouveaux emplacements.
D'où vient-il dans cette splendeur, qui s'inscrit avec tant de force dans le temps circulaire, que l'automne suscite parfois en nous une sourde mélancolie? Comme le suggère Eric de Bellefroid, la saison est souvent ressentie comme le temps de toutes les ruptures, des pourritures et moisissures nécessaires, en vue des reviviscences d’un nouvel avril. Si le grain ne meurt ... Sans doute, mais si ces deuils annoncent une renaissance, qui s'en souciera? L'identification séculaire entre l'été indien et les saisons de notre propre passage sur terre - croissance, maturité, sénescence, mort - apparaît comme une explication autrement plausible à l'anxiété diffuse qu'il inspire. A la différence de l'automne météorologique, celui de notre vie ne débouche sur aucun printemps, et nous confronte au doute: se pourrait-il que cette splendeur mordorée des feuilles qui tombent ne reverdisse plus...
Le plus bel automne peut nous rendre heureux, mais pas vraiment joyeux. Il faut se nommer Verlaine pour relever que " le soir tombait, un soir équivoque d’automne / les belles, se pendant rêveuses à nos bras, / dirent alors des mots si spécieux, tout bas, / que notre âme, depuis ce temps, tremble et s’étonne."
Lu dans :
Plaisirs d’automne. Marie Noëlle Cruysmans et Marie Pascale Vasseur. Momento. La Libre Belgique. 9.10.10. p.8
Rendez-vous avec les soleils couchants. Eric de Bellefroid. Momento. La Libre Belgique. 9.10.10. p.3
Paul Verlaine. Fêtes galantes. L. Vanier, 1896 - 60 pages
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