21 septembre 2008

Entre le platane, le chat et puis notre vie

"Nous sommes au bord de l'eau,
le platane, moi, le chat, le soleil et
puis notre vie.
Notre image apparaît dans l'eau:
le platane, moi, le chat, le soleil et puis notre vie.

Nous sommes au bord de l'eau,
le chat s'en ira le premier,
dans l'eau se perdra son image
et puis je m'en irai, moi
dans l'eau se perdra mon image
Et puis s'en ira le platane,
dans l'eau se perdra son image.
Et puis l'eau s'en ira,
le soleil restera, puis à son tour il s'en ira.

Nous sommes au bord de l'eau,
le platane, moi, le chat, le soleil et puis notre vie.
L'eau est fraîche,
le platane est immense,
moi j'écris des vers,
le chat somnole,
nous vivons Dieu merci,
le reflet de l'eau nous effleure,
le platane, moi, le chat, le soleil et puis notre vie.

Nâziım Hikmet


Nâzim Hikmet est né le 21 novembre 1901 à Salonique, mais il a été déclaré né le 15 janvier 1902. Deux mois de non-existence desquels naquit peut-être ce poème, allez savoir. Il est mort le 3 juin 1963 à Moscou, né poète turc, puis citoyen polonais, longtemps exilé à l'étranger pour avoir été membre du Parti communiste turc. Nous sommes aujourd'hui, lecteurs au hasard de ces trois émouvantes strophes, d'identité culturelles diverses, en exil des autres et parfois de nous-mêmes, aux quatre coins de la planète (bonjour Benoît, bonjour Aline, bonjour Béné, bonjour Mathieu, bonjour Jean-François, bonjour Suzanne, bonjour André, et que ceux que j'oublie me pardonnent), à Bruxelles depuis une heure les voitures ne roulent plus. Un soleil sans chaleur se mire dans l'eau des étangs, les barbecues sont allumés çà et là dans les rues populaires. Une journée à vivre entre le platane, le chat et puis notre vie, avant que tout cela ne s'en aille mais nous vivons Dieu merci.


Lu dans:
Michèle Lesbre. Le canapé rouge. Sabine Weispieser, éditeur. 2007. 150 pages, extrait p.148

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