"C'est une matinée de printemps qui se souvient de l'hiver. Le vent d'ouest charrie des nuages gris qui se bousculent, comme des écoliers. Pourtant, une secrète certitude réchauffe Gabriel dans sa gabardine démodée : il fera beau, c'est sûr. Dans la rue, les autos roulent encore en veilleuse ; sur les trottoirs, les passants ne sont pas très nombreux. Qu'ils ne s'aperçoivent pas trop vite que je suis parti ! "
Jean-Marie Alfroy
C'est comme un conte, mais en vrai, et qui finit bien. Un conte
d'aujourd'hui, ou plutôt de la semaine passée, on se pince pour y
croire. Je l'ai quittée la veille, apathique et somnolente, calée entre
les oreillers, gare aux chutes si elle se lève seule. La mémoire la
fuit, comme tant d'autres. Un rayon de soleil annonçant l'été, inespéré,
a dû réveiller en elle des envies de voir le monde. La surveillance
s'est un peu relâchée, son mari sieste à poings fermés, à ses côtés le
lit est vide à son réveil. Un arrêt de tram devant la porte fait
craindre une fugue au centre ville, le parc en face est vaste, l'étang
profond, où se trouve donc la jadda (grand-mère) ? Recueillie par un
automobiliste en début d'après-midi qui l'abrite dans son véhicule et
poste son portrait sur les réseaux sociaux, ses enfants avertis par des
voisins la retrouvent deux heures plus tard. Tout ne va pas si mal dans
notre fichue société.
Lu dans:
Jean-Marie Alfroy. La fugue du père. NRF. Gallimard. 1984. 182 pages. Extrait pp 27-29
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