03 février 2022

Les ombres qui reviennent


"Tu entends derrière la porte
qui reviennent vers toi
tes propres pas perdus
et tu serres les ombres
sur ta poitrine." 
                Jean-Pierre Siméon.




Un silence prolongé succède à ma traditionnelle question sur son état. Elle s'est posé bien des questions, dont une demeure sans réponse: "Qu'ai-je donc fait de ma vie? Rien qui vaille la peine, et maintenant il est trop tard." Elle ne se souvient pas de son mari, malgré la photo sur la télévision, son fils est mort, et sa sœur, et ses amies. Elle termine sa vie dans une maison de repos ni meilleure ni pire que d'autres, que le temps est long. On peut perdre la mémoire, mais garder intacte la capacité de se poser les questions qui font mal. Je tente de mettre en lumière quelques moments de bonheur partagés quand elle était jeune, drôle et séduisante. Elle secoue la tête doucement, "oui c'était distrayant, mais ne donne pas un sens à l'existence".  Je me résous à l'écouter, plutôt que de la convaincre, qui suis-je pour le faire? elle seule connaît sa vie.



Lu dans:
Jean-Pierre Siméon. Lettre à la femme aimée au sujet de la mort précédé de Le Bois de hêtres et de Fresque peinte sur un mur obscur. Préface de Jean-Marie Barnaud. Collection Poésie/Gallimard (n° 526), Gallimard. 2017. 224 pages. Extrait p.170

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