"Tu marches
tête baissée
pour éviter les flaques d'eau
et tu rencontres des morceaux
de ciel."
Robert Mallet
Robert Mallet. L'ombre chaude. Gallimard. NRF. 1984. 110 pages. Extrait p.47
"Tu marches
tête baissée
pour éviter les flaques d'eau
et tu rencontres des morceaux
de ciel."
Robert Mallet
"Quand on appuie sur le bouton pause d'une machine, elle s'éteint. Sur celui d'un être humain, il s'allume. Il se met à réfléchir, à reconsidérer ses hypothèses, à envisager d'autres solutions. Surtout, il renoue avec ses convictions les plus profondes. Alors, il peut explorer de meilleures pistes."
Dov Seidman
"L'échec est une situation qui n'a pas encore tourné à votre avantage."
Edwin Land (1909-1991)
"Mauvaise herbe, dit l'homme
mauvais homme, dit l'herbe
chaque sève a raison
et tort
de se croire la bonne."
Robert Mallet
Lu dans:
Robert Mallet. L'ombre chaude. Gallimard. NRF. 1984. 110 pages. Extrait p.15
"Grâce aux terres profondes
on sait la bonne source
quand tout est sécheresse,
ainsi de l'amitié
Merci d'avoir donné
la sève des tendresses
au vieil arbre écorché."
Robert Mallet. À l'amie des mauvais jours
"La bulle de savon
tout le possible atteint
tout le parfait vécu
dès le souffle qui veut
Rien de plus rond, plus lisse
mieux clos
mieux irisé, plus céleste
mieux réel
Rien de mieux
pour dire
soudain
sans bruit
que tout
n'est plus rien. "
Robert Mallet
"Ce n'est pas une voix (..), ce n'est pas une parole, ce n'est pas de la poésie, c’est de l’eau qui bouscule les pierres, et j'y aurai trempé mes mains. Il ne faut ni orner, ni troubler, ni freiner ce cours. (..) Ce n'est pas seulement de l’eau qui dévale de ces montagnes. N'est-ce pas cela que j’ai cru comprendre ailleurs a propos d'une combe, d'un verger, d'une prairie, quand, les traversant, je me laissais traverser par eux ? Le torrent parle, si l'on veut, mais avec sa voix à lui : le bruit de l’eau. Serait-ce donc que, sans m'en être avisé jusqu'ici (..), je cherche à dire l'intérieur de ce bruit, de cette course ? L'invisible, en ces eaux, par quoi elles touchent ce que j'aurais en moi d'invisible ? »
Philippe Jaccottet.
"Très loin sous la peau
la charrue de l'âge creuse."
Lionel Ray
"Il y a sûrement une porte
mais il faudrait la trouver
une porte dans le ciel gris qui ouvrirait sur le bleu
un pan de béton blême qui ouvrirait sur un pré
Ici c'est l'hiver mais une fois la porte ouverte
on entrerait dans l'été
Ici c'est gris étouffé cendres serrées et murailles closes
mais si on parvenait à ouvrir la porte
un plein soleil de coquelicots
d'herbe fraîche et de campanules
vous rirait au nez
Si on trouvait la porte
qui se cache dans les corridors
on aurait de nouveau la vie devant soi
avec le soleil retrouvé
la permission de tout recommencer."
Claude Roy. Rêverie devant une oeuvre de Maria Helena Vieira de Silva (Mémoire)
C'est une fresque vaste en noir et blanc, qui font comme un gris. En
haut à gauche, un carré d'une éclatante blancheur fait rêver au
printemps, à tout ce qui revit, se met en route, naît, réchauffe,
appelle au large. C'est le port d'où partent les bateaux, les escaliers
de Puy-en-Velay d'où s'élancent les pèlerins, le nid que quittent les
oisillons. J'ai toujours eu une tendresse particulière pour l'équinoxe
de printemps, où le jour égale la nuit, et où toute vie reprend.
" Ici encore, l'expérience du confinement, qui aura été philosophique à bien des égards, a permis d'ouvrir les yeux et de regarder autrement nos vies. D'être assigné à domicile et de ne pouvoir se contenter que de quelques kilomètres quotidiens de dégourdissement dans le quartier, a été en effet, pour une grande partie de nos aïeux, l'expérience la plus commune. Le village voisin n'existait que pour les rares écoliers, travailleurs ou marchands nomades qui devaient s'y rendre. Pour les autres, l'idée de circonscription géographique était à prendre au pied de la lettre : une sorte de cercle invisible délimitait le champ du possible, dans lequel n'entraient que les familiers, les nouvelles et les rumeurs. Rien d'autre ne pénétrait dans l'exiguïté de ce monde qui n'était cependant pas sans une richesse immense."
Pascal Chabot
"Un obus vient d'éclater à quelques mètres de notre tranchée. La terre et la boue ont à peine fini de retomber qu'une mésange charbonnière entonne un chant d'amour de quelque invisible buisson."
Jacques Delamain. Journal. Verdun.
"Lorsqu'un éditeur me confia la direction d'une collection sur la
nature, mon premier soin fut de rééditer un ouvrage introuvable qui
avait fait le bonheur de mon adolescence : Pourquoi les oiseaux
chantent, de Jacques Delamain. Soucieux d'ajouter à l'ouvrage un texte
inédit ou oublié, je publiais donc à sa suite des extraits du journal
tenu par l'auteur pendant la Première Guerre mondiale et notamment les
pages consacrées à Verdun. Lecture surprenante, stupéfiante : au coeur
du plus infernal des vacarmes et de la plus affreuse des tueries, au
milieu du bruit des obus et de l'éclatement des bombes, l'auteur n'avait
qu'un souci en tête : écouter et identifier le chant des oiseaux ! Car
les oiseaux, ceux du moins qui se trouvaient survivre, continuaient de
chanter imperturbablement entre deux attaques de bombes !
"Je suis François, cela me pèse
Né à Paris près de Pontoise
Et de la corde d'une toise
Mon cou saura c'que mon cul pèse."
François Villon. Quatrain.
Emprisonné, fatigué de vivre et fataliste, François Villon attend son
exécution par pendaison et s'adresse à la postérité avec un étonnant
sens de la dérision qui rend légères les petites misères d'une journée.
"Laissez entrer en vous la lumière
faites-lui toute la place
et puis ouvrez les fenêtres
de votre regard sur le monde
il s'éclairera."
Inspiré de l'avis de décès d'un poète
Il est des êtres lumineux, des Auvergnats dont le foyer accueillant réchauffe le cœur. Me revient en
mémoire ce chant qui parlait d'amitié, "comme l'on ne sait pas ce que la vie nous donne / il se peut qu’à mon tour je ne sois plus personne / alors
un jour, peut-être, viendrai-je chez toi / chauffer mon cœur à ton
bois (F. Hardy)." Qui ne rêve d'être l'ami qui vient, ou mieux
encore celui qui l'accueille.
"Quand on ne voit plus ses amis
peu importe qu'ils soient loin ou près
Si la vie ne nous séparait pas
comment saurait-on qui on aime ?
Le vent d'automne vient puis s'en va
les souvenirs ne s'effacent pas."
Su Dongpo (蘇軾) (1037-1101)
"Que je voudrais ton bras appuyé sur le mien
«Au Japon, les meilleures pièces se trouvent à l’arrière de la maison, on se sèche après le bain avec une serviette humide, on quitte ses souliers et non pas son chapeau en entrant, on monte à cheval du côté droit, les clefs tournent dans un autre sens que chez nous, les menuisiers ne poussent pas le rabot, mais le tirent à eux, on compte sur ses doigts en commençant par l’auriculaire et en les repliant sur la paume de la main au lieu de les étendre, les livres commencent à ce que nous nommons la fin, les notes sont placées en haut des pages et le mot fin se trouve où nous mettons le titre.»
Corinne Atlan. Les bizarreries de la vie japonaise
Je découvre quasi au même moment ces codes de la société japonaise et ceux de Buckingham Palace. C'est amusant. "L’organisation de la table illustre par exemple la différence des habitudes entre les deux rives de l’Atlantique. Dans les grandes demeures style « Downtown Abbey », le sel et la moutarde sont par exemple posés au centre de l’assiette principale. Les verres sont à droite (de même que les serviettes), le plus grand venant en premier, les autres se suivant dans l’ordre où les vins sont servis. Les cuillères sont toujours rondes. Quand le repas est terminé, on doit poser ses couverts à « six heures trente », signe que l’on peut desservir. Il faut rester raide comme un « I » sur le siège, les coudes serrés le long du corps et les convives gardent toujours la main sous la table. Le protocole veut que lors de l’entrée, les dîneurs parlent avec le voisin de gauche et, quand vient le plat principal, ils se tournent vers celui de droite. Au dessert, on peut choisir entre les deux celui ou celle qu’on préfère. On ne discute jamais politique, sexe et religion, sujets considérés comme exotiques dans un univers convaincu de représenter un peuple unique au monde. Les questions sur l’activité professionnelle sont jugées impolies tout comme sont bannis les prix de l’immobilier et les derniers déboires des célébrités, thème de prédilection des agapes citadines. En revanche, les attributs de l’existence champêtre de la « gentry » – vie du village, jardinage, écoles privées, chevaux, chiens…- mais aussi l’histoire ou les souvenirs de vacances à l’étranger, sont appréciés. Il faut aussi jouer des inépuisables nuances de l’humour."
“J'ai abandonné la pêche le jour où je me suis aperçu qu'en les attrapant, les poissons ne frétillaient pas de joie.”
Louis de Funès
Un jour, rêvassant sur le môle de Bournemouth, j'observais un père et
son tout jeune fils pêcher à la ligne, tableau touchant s'il en est. Un
petit poisson impropre à la consommation échappa à la nasse, mais pas
au gamin qui s'en saisit pour le frapper sur le sol avec joie une
vingtaine de fois. J'emportai l'image, et le mystère de la cruauté innée
tapie au fond de nous.
"Épissures: assemblage de deux cordages non par un nœud disgracieux ou une attache métallique, mais par l’entrelaçage soigneux des torons de l’un et l’autre."
Franceso Pittau
Epissure, un bien beau mot dont la définition constitue déjà tout un
programme. Tresser patiemment, joliment, tout ce qui fait nos
différences et notre richesse. On peut poursuivre la métaphore par la
description des cordons de chanvre faits de fibres toujours nouvelles,
prenant la
relève de celles qui s'achèvent et qui, tressés, forment néanmoins une
corde unique qui ne se rompt pas, filiation entre les vivants et les
morts.
Lu dans:
Francesco PITTAU, Épissures, Arbre à paroles, 2020, 258 p., 17 €, ISBN : 978-2-87406-692-4
Jean-Michel Djian. Ivan Illich - L'homme qui a libéré l'avenir. Seuil. 2020. 240 pages. Extrait p. 232
"Comme j’aime cette ville où non seulement personne ne songe à s’approprier le bien d’autrui, mais où l’idée même que cela puisse arriver paraît inconcevable! "
Corinne Atlan
Lu dans:
Corinne Atlan. Un automne à Kyôto. Albin Michel. 2018. 298 pages. Extrait pp. 82-83
"Dans ce petit restaurant, je m’extasie sur le goût délicat d’un carré de tofu soyeux, farci de minuscules poissons. La patronne livre sa recette : déposer un bloc de pâte de soja bien frais dans une casserole d’eau froide où frétille de la blanchaille, faire chauffer doucement. Quand l’eau devient brûlante, les poissons se réfugient dans la fraîcheur du flan de soja, ce qui ne les empêche pas, naturellement, de finir ébouillantés. Soudain, le plat n’a plus tout à fait la même saveur. La cuisinière ajoute fièrement : « C’est préparé avec des poissons vivants : on ne peut pas imaginer plus frais. »
Corinne Atlan
"Foyer" est un mot que j'aime employer, car il réunit à la fois l'amitié, la chaleur et la proximité.
Ivan Illich
"Notre société ressemble à cette machine implacable que je vis une fois dans un magasin de jouets à New York. C'était un coffret métallique. Il vous suffisait d'appuyer sur un bouton et le couvercle s'ouvrait avec un claquement sec. Une main métallique apparaissait alors. Ses doigts chromés se dépliaient, venaient saisir le bord du couvercle. Ils tiraient et le couvercle se refermait. Comme c'était une boîte, vous vous attendiez à pouvoir y trouver quelque chose. Elle ne contenait qu'un mécanisme de fermeture automatique."
Ivan Illitch
"Nous étions ensemble. J'ai oublié le reste."
Walt Whitman(1819-1892)