"Un café n'est pas un café. C'est ce qui fait son prix. Souvent, une simple virgule dans le partage de l'instant. Vous voulez un café ? C'est déjà mieux qu'une simple formule de politesse. Donner quelques gouttes de chaleur à notre échange, une convivialité qui n'engage pas à grand-chose, mais propose un infime à côté, quelques gestes rituels, en marge des sujets que nous avons à aborder. (..) L'offre d'un second café — il est certain qu'il n'y en aura pas de troisième — est une façon pudique de signifier nous n'avons pas passé assez de temps ensemble, j'ai envie de parler davantage avec vous, et de prolonger l'atmosphère."
Philippe Delerm
Même quand on se fait un café pour soi, sa dégustation n'est pas
intrinsèque. Il transforme l'essence du travail que l'on est en train
d'effectuer, la qualité de l'ombre et de la lumière sur la terrasse en
été. Parfois, on trouve dans certaines villes des cafés suspendus. Sur
la petite ardoise, le patron en a écrit le nombre. Un café qu'un client a
payé à l'avance, pour un autre client sans ressources et qui viendra,
et pourra commander. Une jolie coutume, qui pratique une charité
anonyme, sans imposer de remerciement. Café suspendu, c'est peut-être
ça, le secret du café. Rester suspendu au-dessus de nos vies, dispenser
un arôme chaleureux-amer, et, mine de rien, même quand il s'agit de
quelques gouttes de ristretto très pures, changer la nature du temps.
Suspendre.
Lu dans:
Philippe Delerm. La vie en relief. Le Seuil. 2021. 240 pages. Extrait p. 107
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