"Que faire de sa vie ? Elle secoua la tête, chassant les petites mouches noires de l’angoisse. « En tout cas, ne pas laisser fondre le beurre », se dit-elle."
Francis Dannemark
Chacun sa bulle, chacun son chemin. Choses à ne pas oublier en
temps de Covid-19, anesthésiés par les consignes de la distanciation
sociale: ne pas laisser fondre le beurre de la vie, et encore moins le
laisser brûler dans la poêle. Donner de l'eau au canari pour éviter
qu'il arrête de chanter, et ses croquettes quotidiennes au chien. Sortir
les poubelles de notre tête, ne pas oublier la vieille maman interdite
de visite dans sa maison de repos, le patient muré à l'hosto qu'on ne
peut plus approcher, le grand fils à Louvain-la-Neuve dans sa bulle en
kot dont il ne rentre plus le weekend, le chef Italien qu'on retrouvait
dans son resto chaque samedi pour une Penne aux quatre fromages, la
petite serveuse au noir qui nous servait une bière mousseuse sur la
terrasse du bistrot en face de l'église, le pote Marc avec qui on la
partageait, le vigneron alsacien qui nous approvisionnait chaque année
en Gewurztraminer, le loueur de gîte dans le Sud de la France devenu un
ami, l'ouvreuse du Vendôme, le toiletteur pour chien, à chacun sa liste
du cercle des poètes disparus. Ces milles liens qui font une vie, dont
il importe de maintenir les braises quand le quotidien se met à
ressembler à ces beaux paysages d'hiver du peintre de Saedeleer. Le
Covid c'est long, surtout vers la fin.
Lu dans:
Francis Dannemark. La misère se porte bien. Kyrielle 2020. 322 pages. Extrait p.144. Tirage limité disponible uniquement chez l'auteur francis.dannemark@gmail.com
Francis Dannemark. La misère se porte bien. Kyrielle 2020. 322 pages. Extrait p.144. Tirage limité disponible uniquement chez l'auteur francis.dannemark@gmail.com
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