"A l'école, Annie apprend que la Méditerranée traverse la France comme la Seine traverse Paris."
Alice Zeniter. L'Art de perdre
C'est une époque que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître, quand
on pouvait traverser le Sahara en Peugeot 203 (comme le fit une de mes
patientes, actuellement octogénaire) en sécurité avec son seul passeport
français. Quand passer de Marseille à Alger équivalait à traverser
l'embouchure de la Loire: on restait en France. Image que beaucoup
crurent éternelle, y compris parmi les nombreux Algériens français qui
avaient combattu pour la France, travaillaient pour elle, collaboraient
avec les services publics, la considérant comme leur patrie. Vinrent les
semaines où il fallut choisir son camp, parfois libres, parfois
contraints par la peur, rapidement, définitivement. Sans trop savoir, un
demi-siècle plus tard, lesquels firent le bon choix tant l'histoire fut
compliquée. Le beau livre d'Alice Zeniter "L'Art de perdre" en fait le
récit avec une sobriété et une subtilité rares, décrivant les
conséquences pour un harki et sa famille d'un exil qu'ils imaginaient
comme un simple déménagement dans leur pays, la France. Nominé au
Goncourt, on peut espérer qu'il en soit lauréat.
Lu dans:
Alice Zeniter. L'Art de perdre. Flammarion. 2017. 510 pages. Extrait page 76.
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