"Si tu sais méditer, observer et connaître
sans jamais devenir sceptique ou destructeur;
rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
penser sans n'être qu'un penseur
... tu seras un homme mon fils."
Rudyard Kipling.
Comme un oiseau au hasard d'une branche, ce fragment de Kipling a voleté
dans mes pensées ce soir. Que transmettons-nous à nos proches de ce qui
tisse nos existences, et qui soit essentiel? Peu, car s'il est
difficile de partager nos avoirs, que dire de notre être? Quel risque
aussi que de partager des convictions temporaires, aussitôt démontées
par les expériences, les échecs et les rencontres. L'histoire
personnelle de Rudyard Kipling l'illustre de manière dramatique. Premier
Prix Nobel de littérature anglophone, il écrit le célèbre "If" qui
reste le texte préféré des Anglais, exhortation au contrôle de soi et au
stoïcisme, indéniablement son plus beau poème. Cinq ans plus tard son
fils, le lieutenant John Kipling, est tué à la bataille de Loos en 1915.
Dans sa douleur, le père écrit ces lignes amères: « Si quelqu'un veut
savoir pourquoi nous sommes morts, / Dites-leur : parce que nos pères
ont menti » ("If any question why we died/ Tell them, because our
fathers lied"). Il est possible que Kipling ait éprouvé un sentiment de
culpabilité pour avoir contribué à faire entrer son fils dans la garde
irlandaise de la British Army, alors que le jeune homme avait été
réformé à cause de sa myopie. Il ne s'en remit guère, mais "If" demeura contre vents et marées attaché à sa légende.
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