13 décembre 2012

If


"Si tu sais méditer, observer et connaître
sans jamais devenir sceptique ou destructeur;
rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
penser sans n'être qu'un penseur
     ... tu seras un homme mon fils."
Rudyard Kipling.

Comme un oiseau au hasard d'une branche, ce fragment de Kipling a voleté dans mes pensées ce soir. Que transmettons-nous à nos proches de ce qui tisse nos existences, et qui soit essentiel? Peu, car s'il est difficile de partager nos avoirs, que dire de notre être? Quel risque aussi que de partager des convictions temporaires, aussitôt démontées par les expériences, les échecs et les rencontres. L'histoire personnelle de Rudyard Kipling l'illustre de manière dramatique. Premier Prix Nobel de littérature anglophone, il écrit le célèbre "If" qui reste le texte préféré des Anglais, exhortation au contrôle de soi et au stoïcisme, indéniablement son plus beau poème. Cinq ans plus tard son fils, le lieutenant John Kipling, est tué à la bataille de Loos en 1915. Dans sa douleur, le père écrit ces lignes amères: « Si quelqu'un veut savoir pourquoi nous sommes morts, / Dites-leur : parce que nos pères ont menti » ("If any question why we died/ Tell them, because our fathers lied"). Il est possible que Kipling ait éprouvé un sentiment de culpabilité pour avoir contribué à faire entrer son fils dans la garde irlandaise de la British Army, alors que le jeune homme avait été réformé à cause de sa myopie. Il ne s'en remit guère, mais "If" demeura contre vents et marées attaché à sa légende. 

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