23 novembre 2012

Eloge de la veille


"Je ne m'endormirai que si d'autres veillent."
Paul Eluard

« Dans ma compagnie, explique un ancien militaire, monter la garde était considéré par tous comme une corvée. Personnellement, j'aimais la solitude des nuits au grand air, et me portais fréquemment volontaire (..), ce qui me valait de passer pour un excentrique. Comment expliquer ce que je ressentais? Sans doute ne le comprenais-je pas tout à fait moi-même. Ce qui ne m'empêchait pas d'être conscient de protéger des bâtiments où personne n'aurait songé pénétrer. Qui tenterait d'entrer par effraction dans une caserne bourrée d'armement où quelques centaines d'hommes dans la force de l'âge, et parfaitement entraînés, dorment à proximité de leur fusil ? Ainsi, ma présence était-elle plus symbolique que dissuasive. En réalité, ce sont mes camarades endormis qui me gardaient, non le contraire. Moi, il suffisait que je sois là !" 

 
Lu dans:
Marcel Cohen. Faits. NRF Gallimard. 2002. 242 pages. Extrait p.36

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