02 juin 2010

If , if not

"Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ..."
R. Kipling


"Il vous reste une minute, pour nous dire quelque chose d'important." D'une voix sourde, hachée, l'invité de Vincent Josse débite le long poème If, de Rudyard Kipling (1910) qui n'a pas pris une ride malgré son centenaire. Me revient l'histoire de ce fils adoré, auquel Kipling avait adressé ce poème de légende parfois intitulé par son dernier vers « Tu seras un homme mon fils ». Pour être un homme aux yeux de son père, John s’était porté volontaire dans une armée qui l’avait réformé pour myopie sévère. Grâce à l’appui paternel, il avait réussi à intégrer un régiment des Irish Guards. Le jour de son tout premier assaut à la bataille de Loos (Artois), une rafale le balaya. C’était le 27 septembre 1915. Le lieutenant John Kipling avait 18 ans. Son père, l’inflexible Rudyard Kipling, conscience impériale de tout un peuple, ne se remit jamais du sentiment de culpabilité d'avoir été à l'origine de cette mort par cette exhortation à l'héroïsme, ni de ne pas avoir retrouvé sa dépouille. Les beaux textes ont souvent une histoire qui les humanise.

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