19 novembre 2009

Ah les surréalistes

"Tout est vrai, successivement."
Peregrinos

Ah les surréalistes... Au moment où s'inaugure le musée Magritte que la terre nous envie, je découvre l'oraison funèbre écrite par André Breton (auteur du "Manifeste du surréalisme") à l'occasion du décès d'Anatole France. Il conclut son articulet par un peu amène "pour enfermer son cadavre, qu'on vide si l'on veut une boîte des quais de ces vieux livres "qu'il aimait tant" et qu'on jette le tout à la Seine. Il ne faut plus que mort cet homme fasse de la poussière." (Interdit d'inhumer, 12 octobre 24)

Anatole France eut droit à des funérailles nationales, lui qui avait participé à la fondation de la Ligue des droits de l'homme, dénoncé avec force le génocide arménien,  signé la pétition pour la révision du procès Dreyfus, rendu sa légion d'honneur par solidarité avec Zola.  L'exécration des surréaliste à son égard fit tache, eux qui lors d'un dîner en ville s'invectivèrent de si belle manière qu'on vit les corbeilles de fruits voler, s'écrasant sur la tenue d'un officiel,  les tables renversées, la vaisselle piétinée, les vitres voler en éclats, attirant les badauds. Philippe Soupault, suspendu à un lustre balaie du pied plats et bouteilles sur la table sous lui, Michel Leiris hurle par la fenêtre ouverte "A bas la France" et on finit par appeler la police pour vider la salle, les troubles se poursuivant sur le boulevard Saint Michel.

On comprend mieux la mansuétude de Bernard Pivot appelé à commenter les récentes prises de position jugées politiquement incorrectes de Marie NDiaye, Prix Goncourt 2009, qui justifie son choix de s’installer à Berlin estimant que la politique du gouvernement français à l’attention des populations étrangères est monstrueuse. L'invective paraît bien pâle au regard de ce qui s'écrivait il y a moins d'un siècle. Les grands artistes ne connurent jamais le devoir de réserve, estime Pivot, on ne saurait mieux dire. 
 
Lu dans :
Les scandales littéraires. Claire Julliard. Librio 2009. 75 pages. Extrait page 28.

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