30 avril 2007

Ah les beaux jours !

"Surtout, il y avait le tilleul. Immense et dévorant, il menaçait d'année en année de submerger la maison de ses ramages tentaculaires qu'elle se refusait obstiné ment à faire tailler et il était hors de question de discuter la chose."

Muriel Barbery. Une gourmandise (3)

La recherche éperdue d'une saveur peut passer par les souvenirs olfactifs. Ce n'est pas Proust qui me contredira. Par le goût du miel associé au parfum du tilleul. Laissez-vous bercer 3 à 4 minutes par un moment de bonheur pur.

"Aux heures les plus chaudes de l'été, son ombrage importun offrait la plus odorante des tonnelles. Je m'asseyais sur le petit banc de bois vermoulu, contre le tronc, et j'aspirais à grandes goulées avides l'odeur de miel pur et velouté qui s'échappait de ses fleurs d'or pâle. Un tilleul qui embaume dans la fin du jour, c'est un ravissement qui s'imprime en nous de manière indélébile et, au creux de notre joie d'exister, trace un sillon de bonheur que la douceur d'un soir de juillet à elle seule ne saurait expliquer. A humer à pleins poumons, dans mon souvenir, un parfum qui n'a plus effleuré mes narines depuis longtemps déjà, j'ai compris enfin ce qui en faisait l'arôme; c'est la connivence du miel et de l'odeur si particulière qu'ont les feuilles des arbres, lorsqu'il a fait chaud longtemps et qu'elles sont empreintes de la poussière des beaux jours, qui provoque ce sentiment, absurde mais sublime, que nous buvons dans l'air un concentré de l'été.

Ah, les beaux jours! Le corps libre des entraves de l'hiver éprouve enfin la caresse de la brise sur sa peau nue, offerte au monde auquel elle s'ouvre démesurément dans l'extase d'une liberté retrouvée... Dans l'air immobile, saturé du bourdonnement d'insectes invisibles, le temps s'est arrêté... Les peupliers, le long des chemins de halage, chantent aux alizés une mélodie de bruissements verdoyants, entre lumière et ombre chatoyante... Une cathédrale, oui, une cathédrale de verdure éclaboussée de soleil m'environne de sa beauté immédiate et claire...

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