"C'est l'histoire d'un jeune garçon qui se souvient de tout ce qu'il a vu, de tout ce qu'on lui a dit, de tout ce qu'il a fait. Cette mémoire qui ne sait pas faire le tri n'est pas loin du cauchemar, un cauchemar que le trop-plein, comme le manque de sensations, peut engendrer."
Jorge Luis Borges
Dans Funes ou la mémoire (1942), Jorge Luis Borges raconte
l’histoire d’ Irénée Funès, un homme d’une érudition exceptionnelle, qui
à la suite d’un accident de cheval, a perdu la faculté d’oublier.
L'hypermnésie devient sa malédiction, irrémédiable infirmité
contraignant celui qui en souffre à passer sa vie cloîtré dans une
chambre sans même allumer la bougie. Ne devenons-nous pas - sans en
prendre conscience - progressivement victimes de la même affection,
addicts de la mémoire infinie de nos smartphones consultés au long des
journées sur l'infini des connaissances, des nouvelles du monde livrées
sans tri, de milliers de photos sauvegardées sur Dropbox sans que nous
en ayons fait le choix? Une hypermnésie sournoise envahit nos vies,
incapable d'hiérarchiser l'essentiel de l'accessoire, enlevant à notre
mémoire ce qu'elle a d'essentiel : la faculté d'oublier.
Lu dans:
Jorge Luis Borges. Fictions. Funes ou la mémoire. Funes el memorioso. 1942.
Cité par Dany Laferrière. Un certain art de vivre. Grasset. 2023. 140 pages. Extrait p.123
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