"Odeur des pluies de mon enfance
derniers soleils de la saison
à sept ans comme il faisait bon
après d'ennuyeuses vacances,
à se retrouver dans sa maison.
La vieille classe de mon père
pleine de guêpes écrasées
sentait l'encre, le bois, la craie
et ces merveilleuses poussières
amassées par tout un été.
Temps charmant des brumes douces
des gibiers, des longs vols d'oiseaux,
du vent qui souffle sous le préau
Moi je tiens entre paume et pouce
une rouge pomme à couteau."
René Guy Cadou. Automne
Sinistres nouvelles, un soir de plus. Une guerre de tranchées sans
vainqueur ni vaincu, le dérèglement climatique, l'énergie, l'index, la
grande démission de ces millions de personnes qui quittent
volontairement leur job, un Covid endémique: on pressent sourdement
qu'il existe un lien entre tout cela, qui préoccupe nos esprits sans
modifier pour autant - provisoirement - notre quotidien. Après le
journal télévisé, dans la paix du soir qui tombe, j'épluche des pommes
rouges qui feront une compote. Avec quelle force se réveille dans
l'instant même le souvenir des marrons, du soleil entre les branches, de
l'odeur âcre des herbes qu'on brûle. On a tous des automnes de brumes
et de flambées heureuses dans la mémoire. Qui suis-je donc, balloté
entre deux réalités que rien ne rapproche? Une vague culpabilité
permanente liée à une inaction, confrontée à la saveur paisible d'être au
monde en ce début d'automne dans une bulle aux parfums d'enfance
heureuse. Je m'endormirai donc, laquelle de ces deux réalités occupant
mes rêves, entre le rouge du sang et celui des pommes?
Lu dans:
René Guy Cadou. Les amis d'enfance. Automne. Œuvres poétiques complètes. Seghers. 1973. 830 pages
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