"La reine qui vient de disparaître aura réussi un exploit : faire
oublier l’anachronisme de la monarchie, prolonger sa popularité en
l’adaptant tout en maintenant l’illusion qu’elle est immuable. Son
secret tient probablement dans l’extraordinaire résolution d’Elizabeth
II, sans doute la femme la plus célèbre du monde, à demeurer un mystère.
D’innombrables articles de presse, livres et documentaires ont été
consacrés à une reine qui n’a jamais donné d’interview, qui n’a
prononcé, hors rituels parlementaires et de Noël, que quatre discours en
soixante-dix ans, et dont rien ne filtrait vraiment, ni sur les choix
ni sur les idées. (..) L’époque récente correspond plutôt à une perte
d’influence de son pays. Le choc de la disparition d’Elizabeth II sera
ressenti partout dans le monde, en particulier dans les quinze États
dont elle était la souveraine, comme un signe supplémentaire de la fin
d’une époque."
Editorial du Monde du 9 septembre 2022
Une dame vieille et digne meurt dans son lit à 96 ans. Son fils,
sans doute "l'homme le mieux préparé au trône", lui succède à l'âge où
on entre en maison de repos. Aucun fait d'arme, ni de comportement
héroïque mais l'image rassurante que plus ça change, moins ça change.
"Elle ne faisait rien, mais elle le faisait bien" résume avec humour un
commentateur de France 5 sur C dans l'air. D'où vient donc l'émotion qui
saisit les foules quand meurt leur monarque? Souvenons-nous des files
devant la dépouille de Baudouin il y a 30 ans, ou de l'océan fleuri lors
de la mort de Diana. Y aurait-il un lien avec l'émotion que suscitait
en nous la lecture des contes de fée, au moment où se fermait le livre,
où se recevait le dernier bisou avant la nuit et où nous sombrions sans
plus réfléchir dans le sommeil? Un court instant, nous rêvions à la fée
Clochette, celle qui flotte dans les airs et produit de la poussière de
lutin, qui permet aux autres de voler comme elle. Plus la réalité d'une
époque est incertaine, plus le besoin est prégnant de se créer un monde
de fées.
Lu dans:
Elizabeth II, une femme souveraine entre dans l’histoire. Editorial du Monde du 9 septembre 2022
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