05 décembre 2019

Les beaux habits


"Salauds de pauvres." 
        Jean Gabin dans La Traversée de Paris. Autant-Lara 1956.


Les beaux quartiers font les belles gens, et on ne peut leur en vouloir. La grande pauvreté, elle, porte la honte comme un costume mal taillé, dans des rues taguées malpropres, préférant la compagnie gris muraille d'autres vilains-pas-beaux auxquels ils se confondent pour ne pas attirer l'attention. Je découvre les sobres lignes de Karel Logist, lui trouvant bien du talent: "Ils sont deux, ils avancent flanqués l’un de l’autre, efflanqués. Ils se donnent la main en se rappelant mutuellement qu’ils existent par une secousse qui les projette épaule contre épaule. Et ils ne me voient pas, ne peuvent pas me voir car ils sont, à perte de vue aveugles et invisibles. Ils ne sont pas lavés mais ils portent sur eux leurs plus beaux habits devenus leurs vêtements de tous les jours, de même que leur plus beau jour est rapidement devenu semblable à chaque nouveau jour passé sur un sol étranger mais dans une même errance." Si peu de choses nous sépare pourtant, sauf le mérite d'être né au bon moment au bon endroit. 



 
Lu dans :
Karel Logist. La Force d'inertie. 1996. Le Cherche-Midi. Collection Domaine privé. Epuisé.

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