"Endroits où l'eau est plus eau qu'ailleurs
l'oasis de Tozeur l'estuaire de l'Hudson River
un verre d'eau embué dans une chambre d'hôpital
quand on vous permet enfin de boire une gorgée."
Claude Roy. La Fleur du Temps.
C'est un beau mot, l'embellie, ce petit rien inattendu qui donne du
sens à votre journée. Ce matin je termine ma tournée par une patiente
hospitalisée en unité palliative, connue depuis son plus jeune âge. Une
famille aimante l'entoure, qui a apporté un petit sapin en bois orné de
photos, la boule de Noël musicale, le cadeau dans son superbe
emballage, et ils se désolent qu'elle ne réponde plus à aucune
sollicitation depuis la veille, plongée dans une sédation profonde. Ils
auraient tant souhaité pouvoir prendre congé en lui partageant ces
présents préparés avec amour. Sans grand espoir, je l'interpelle à la
manière de toujours, celle des angines de la prime enfance, des chagrins
amoureux de l'adolescence, des annonces de bonnes et mauvaises
nouvelles des dernières années. Elle ouvre les yeux, sourit, remercie et
reconnaît sa famille qui n'en croit guère ses yeux. Dans ces cas-là,
c'est moi qui remercie.
Lu dans:
Claude Roy. La fleur du temps. 1983-1987. NRF. Gallimard. 1988. 356 pages. Extrait p. 308
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