"De la plante je dis "c’est une plante"
de moi je dis "c’est moi"
et je ne dis rien de plus
qu’y a-t-il à dire de plus ?
Fernando Pessoa. Poèmes païens.
Pendant de longues semaines de reconstruction personnelle après une
chute qui l'a cassé, Sylvain Tesson parcourt les chemins noirs de
l'Hexagone, tentant de "déposer sur les choses le cristal du regard sans
la gaze de l’analyse, ni le filtre des souvenirs. Jusqu’ici, j’avais
appris à faire de la nature et des êtres une page où noter les
impressions. Il m’était urgent à présent d’apprendre à jouir du soleil
sans convoquer de Staël, du vent sans réciter Hölderlin et du vin frais
sans voir Falstaff clapoter au fond du verre. Bref, à vivre comme un de
ces chiens: ils goûtent la paix, langue pendante, donnant l’impression
qu’ils vont avaler le ciel, la forêt ou la mer et même le soir qui
tombe. Bien entendu, l’entreprise était vouée à l’échec. Un Européen ne
se refait pas."
Ce regard épuré sur les choses et les gens est une invitation que l'on
peut reprendre comme leçon de sagesse. Tu t'appelles comment? et tu vas
où? Regarder celui qu'on croise comme on s'émerveille de la transparence
de l'eau qui coule à la fontaine, sans tenter de tout percer, de tout
comprendre, de cerner ce qui nous unit et nous divise pour simplement se
réjouir qu'il soit là, est un art de vivre.
Lu dans:
Sylvain Tesson. Sur les chemins noirs. Éditions Gallimard. 2016. 144 pages
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