"La dernière découverte du capitalisme: passer d'une économie de l’information (la publicité traditionnelle pour des produits de consommation) à une économie de l’attention captant notre intérêt de manière consciente ou inconsciente le plus longtemps et le plus fréquemment possible pour nous suggérer ces mêmes produits de consommation."
Matthew B. Crawford.
Les passagers des bus de Séoul, en Corée du Sud, sont ainsi
désormais confrontés au nec plus ultra du marketing : la publicité
leur monte littéralement au nez. Chaque fois que les haut-parleurs
du bus vantent la chaîne de restauration rapide Dunkin’ Donuts –
chaque fois que le véhicule est sur le point de faire une halte
près de l’un de ses établissements –, le système de ventilation
diffuse une odeur de café de chez Dunkin’ Donuts. Et la voix d’un
annonceur renchérit en vous signalant la chose, au cas où l’arôme
vous aurait échappé. Ce type de publicité est particulièrement
agressif et envahissant, mais on peut aussi considérer qu’il est
particulièrement bien ciblé, dans la mesure où il vise les
passagers qui commencent leur journée de travail et déclenche leur
envie de café par le biais de cette exposition olfactive juste au
moment où, comme par hasard apparaît un Dunkin’ Donuts à proximité
de l’arrêt de bus. L’agence de créatifs responsable de cette
merveille a été récompensée par ses pairs par un Lion de Bronze
pour la « meilleure utilisation de la publicité ambiante ». Un
Lion aurait aussi pu être attribué aux terminaux bancaires les
plus récents utilisant les quelques secondes de chaque intervalle
entre l’introduction de la carte, la confirmation du montant des
achats et la saisie du code confidentiel pour faire défiler des
publicités à l’écran. La durée même de ces intervalles trahit leur
caractère prémédité, utilisant à des fins purement publicitaires
l'attention captivée pour effectuer correctement le paiement. Ce
type d’intrusion constitue un véritable vol de l'attention que
nous n'avons pas choisi et contre lequel nous sommes impuissants.
Nous sommes désormais à la merci des exploiteurs de « temps de
cerveau disponible ».
Lu dans:
Matthew B. Crawford. Contact. Pourquoi nous avons perdu le monde, et comment le retrouver. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Marc Saint-Upéry et Christophe Jaquet. 2016
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