09 juin 2015

Sagesse de l'Exode

"Ce n'est pas la quantité de marchandise qui rend une aide efficace, mais sa juste distribution."
                 Erri De Luca


Comment put résister dans le désert pendant quarante ans une nation de six cent mille unités, suivie de son bétail? La réponse est connue : grâce à la manne, véritable pain du ciel sous forme d'une substance fine et écailleuse comme du givre. Chacun devait en prendre une quantité journalière n'excédant pas ce qui lui était nécessaire ainsi qu'à sa famille. À chacun selon ses besoins: il n'y a pas d'autre mesure pour bannir l'indigence. La manne en surplus restait à terre et fondait au soleil, évitant toute possibilité de réserve: «Que personne n'en garde pour le matin ». L'accaparement étant une activité difficilement extirpable, le matin suivant les accapareurs trouvèrent la manne dissimulée pourrie et pleine de vers, rendant nulle sa valeur d'échange. La nourriture qui permet de survivre est vie et non marchandise, elle ne s'échange pas, elle est garantie et c'est tout. Le marché n'était pas aboli, chacun pouvait faire tout le commerce qu'il voulait et s'enrichir en échangeant le produit de son élevage, de son bétail ou de son artisanat, mais l'indispensable restait à l'écart de tout marché. La manne devenait ainsi aliment et enseignement d'un art de vivre ensemble.

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Lu dans:
Erri De Luca. Un nuage comme tapis. Folio  5910. Gallimard 2015. 138 pages. p.108
Livre de l'Exode XVI, 18

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