"Une anecdote pour écrivains débutants. Kafka, malade, vint passer ses vacances d'été à Marienbad. Jetant un coup sur la fiche, l'aubergiste lui dit: « Votre nom me semble connu. - Impossible, répondit Kafka. C'est la première fois que je descends chez vous. » L'écrivain prit sa valise et monta se reposer dans sa chambre. A peine assoupi, il perçut des petits coups à la porte. C'était l'aubergiste: «Pardonnez-moi de vous déranger, mais j'ai une question à vous poser : seriez-vous écrivain? » Ahuri, Kafka répondit: «Pas vraiment... Mais pourquoi me demandez-vous cela? - Parce que mon fils me dit que vous l'êtes. - Dites-lui qu'il se trompe sur mon identité. » L'aubergiste sortit et Kafka essaya de se rendormir. A nouveau, des coups à la porte le réveillèrent: « C'est encore mon fils dit l'aubergiste. Il prétend que vous êtes un très grand écrivain et il souhaite vous saluer. C'est important pour lui. Si vous tenez à votre repos, dites oui, et qu'on en finisse. » Kafka accepta et l'aubergiste alla chercher son fils. Celui-ci, ému et intimidé, ne put que bafouiller: «Quel honneur ... quel bonheur ... - Mais pourquoi? demanda Kafka. - Parce que ... parce que vous êtes Kafka ...
- Et après?
- Comment et après? Monsieur Kafka, ne savez-vous donc pas qui vous êtes? Vous êtes un grand écrivain, l'écrivain que j'admire le plus au monde ...
- Auriez-vous lu quelque chose de moi?
- Quelque chose, vous dites quelque chose? Votre ouvrage a changé ma vie...
- Lequel?
- La Métamorphose.
- Vous l'avez lu?
- Bien sûr que je l'ai lu, et relu.
- Où l'avez-vous trouvé?
- Mais je l'ai acheté ... »
Et Kafka de s'écrier: « Non ... c'était donc vous? »
E. Wiesel
Lu dans
Elie Wiesel. Tous les fleuves vont à la mer. Mémoires. Seuil. 1994. 562 pages. Extrait p.418, 419
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