"Tante Giza a survécu à la déportation et je l'ai rencontrée en Israël. Elle pleurait de bonheur, elle pleurait de malheur. Elle avait perdu son mari et ses enfants. Mais, après la libération, elle avait retrouvé un ami d'enfance qu'elle aimait et qui l'aimait. Lui aussi avait perdu ses enfants et leur mère à Birkenau. Sourire ou ricanement du destin? A l'époque, leurs familles s'étaient opposées au mariage. A présent, il n'y avait plus d'opposition; il n'y avait plus de familles. Enfin mariés, ils me paraissaient heureux. D'un bonheur pur et entier, comme on dit? Comment l'aurait-il été? Ils devaient se sentir un peu coupables."
Elie Wiesel
Qu'en peu de mots le drame et le bonheur d'une existence se voient
ainsi écrits. On peut épiloguer une journée sur les réflexions que ce
simple récit évoque en nous, sur la nature du bonheur, le poids du
passé, les interdits familiaux et la place qu'occupe l'inattendu dans
notre existence. Je me contenterai d'imaginer qu'il y a, quelque part en
Israël, un vieux couple qui s'aime.
Lu dans:
Elie Wiesel. Tous les fleuves vont à la mer. Mémoires. Seuil. 1994. 562 pages. Extrait p.15
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