« Garde intacte ta faiblesse. Ne cherche pas à acquérir des forces, de celles surtout qui ne sont pas pour toi, qui ne te sont pas destinées, dont la nature te préservait, te préparant à autre chose."
Michaux octogénaire, dans Poteaux d'angle.
Certains soirs plus que d'autres nous mesurons l'empreinte infime de
notre passage sur terre. Les plus fiers se sont crus investis d'une
mission ou appelés à un grand destin, les plus modestes se satisfont
d'avoir fait ce qu'ils ont pu, tous finissent dans une sorte de
mendicité pour une fin de vie paisible ponctuée de quelques dernières
découvertes: city trip, moment gastronomique, grand cru, amour éperdu.
Paradoxalement, cette dépossession redoutée est vécue par certains
vieillards comme une libération davantage qu'une servitude. "On a vécu
ainsi, vêtu d'un manteau de feuilles; puis il se troue et tombe peu à
peu en loques, mais sans nous appauvrir. Nous n'aurons plus besoin
bientôt que de lumière. (Jaccottet)".
Lu dans:
Philippe Jaccottet. La seconde semaison. Carnets 1980-1994. NRF Gallimard. 1996 233 pages. Extrait p.170
Henri Michaux. Poteaux d'angle. Éditions Fata Morgana. 1978. Court recueil d'aphorismes considéré par Michaux comme une de ses œuvres majeures.
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