"Le bonheur tient dans la beauté de soi que l'on surprend dans le regard de l'autre."
Pascale Tison
La journée s'annonçait commune, la vie sait nous surprendre. Un patient
quinquagénaire téléphone à l'heure du répondeur pour laisser un message,
tellement heureux que je décroche: "J'ai un emploi depuis ce matin, et
voulais simplement vous l'annoncer." Il racroche, la voix nouée, moi
aussi. Y succède un appel en urgence dans les minutes qui suivent pour
un patient "connu de toujours", un homme de qualité, qui sera
hospitalisé dans un état critique et décédera à son arrivée à l'hôpital.
On se prend à feuilleter mentalement les pages de 40 années communes,
pour s'apercevoir que le temps a passé. Pendant la consultation après
midi, un coup de fil de la mairie d'Aubrac dans le sud pyrénéen annonce
le décès au terme d'une courte mais pénible maladie d'une patiente
partie il y a 15 ans rejoindre un amour de jeunesse. Retrouvailles
flamboyantes, rapidement ternies par une démence précoce de l'ami
retrouvé. Restée sans aucune famille, elle a demandé qu'on me prévienne
et me fait envoyer cinq livres qui furent ses lectures de chevet, ainsi
que quelques lettres personnelles qu'elle ne souhaite pas voir
dispersées en brocante. Emotions diverses, qui ne me laissent pas de
marbre: quand j'ai choisi d'être docteur, je ne pensais pas que tout
cela figurait au programme.
Le jour se termine sur une première: une rencontre avec Jean Vanier, personnage immense et effacé, "qui est le plus loin en avant et se tient le plus en retrait" (*) selon l'expression consacrée. Il vient parler de la tendresse inséparable de la sagesse, notant qu' "aimer c'est dire à l'autre qu'il est plus beau qu'il ne le pense lui-même." Usant de mots simples, en moins d'une heure ce vieillard sage m'a transmis les clés de lecture sur les questions sans réponse qui m'ont habité durant cette journée. Je quitte le Square en solitaire, bien avant les vivats coutumiers à ce type de conférence afin de me préserver un bout de rencontre avec moi-même. Une journée de plus se termine, demain j'en aurai tout oublié sans doute, c'est bien ainsi.
Le jour se termine sur une première: une rencontre avec Jean Vanier, personnage immense et effacé, "qui est le plus loin en avant et se tient le plus en retrait" (*) selon l'expression consacrée. Il vient parler de la tendresse inséparable de la sagesse, notant qu' "aimer c'est dire à l'autre qu'il est plus beau qu'il ne le pense lui-même." Usant de mots simples, en moins d'une heure ce vieillard sage m'a transmis les clés de lecture sur les questions sans réponse qui m'ont habité durant cette journée. Je quitte le Square en solitaire, bien avant les vivats coutumiers à ce type de conférence afin de me préserver un bout de rencontre avec moi-même. Une journée de plus se termine, demain j'en aurai tout oublié sans doute, c'est bien ainsi.
Lu dans:
Pascale Tison. Gabriel Belgeonne (Illustrations). La joie des autres. Ed. Esperluete. 2003. 103 pages
(*) Heidegger, évoquant Paul Celan
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