"Éric avait grandi; quelque chose en lui s'était élargi. Il ne serait peut-être pas comme elle privé de parole, incapable de dire au bon moment, et de se faire comprendre, au plus près au plus serré; il ne serait peut-être pas tout à fait incapable de vouloir, de saisir, d'attraper le pompon pour gagner un tour de manège supplémentaire. Elle avait secoué la tête et s'était levée pour chasser cette image brusquement surgie d'Éric enfant, à trois ou quatre ans, agrippé à une moto jaune, effaré et presque en larmes, yeux soudain immenses bouche tremblante, devant la bestiole de peluche que la dame du manège agitait à sa portée parce qu'il était le plus petit, et si sérieux et si fervent."
Marie-Hélène Lafon
"Elever" nos enfants, les rendre capables de "prendre la parole",
de se faire comprendre, de vouloir par eux-mêmes, de saisir la
peluche sans aide ne nous a pas été enseigné. Seule demeure l'improbable
démarche de l'essai / échec / réussite et l'énoncé de ces phrases
simples, nées au tréfonds de nous et soufflées à l'oreille de nos enfants:
"Il faut gravir ce temps. Ton père t'épaule" (Paul Celan). Ou la
pédagogie en peu de mots.
Lu dans:
Marie-Hélène Lafon. L'Annonce. Gallimard 2009. Folio 5222. 152 pages. Extrait p.144
Marie-Hélène Lafon. L'Annonce. Gallimard 2009. Folio 5222. 152 pages. Extrait p.144
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