"Les rois ne touchent pas aux portes."
F. Ponge
Je les plains, car vaincre la douce résistance de cet obstacle familier à un espace qui vous accueille est, à l'image des autres aléas de l'existence, un rite de construction mentale bénéfique par sa répétition. Ici je suis chez moi, là je suis "ailleurs". Il y a des limites à mon espace où je suis chez moi, à ne franchir que moyennant un rite de passage: mes droits sur le monde sont limités. J'ai la possibilité de refermer la porte quand j'entre chez moi: les autres m'habitent, mais pas tout ni toujours. Qui dit porte dit serrure: il y a des clés pour me comprendre, et pour comprendre les autres. On peut rêver d'espaces sans porte, - les paysagers -, mais on perd l'obstacle à surmonter, ainsi qu'une forme de sécurité et d'intimité: tout voir, tout savoir sur l'autre détruit l'altérité. On peut aussi, parfois, pour certains, pour un temps, laisser sa porte ouverte volontairement, signe béni de confiance en soi et à l'autre. J'aime les portes.
Lu dans:
Francis Ponge. Le parti pris des choses. Folio Plus. 1942 (2009). 170 pages. Extrait page 22.
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