23 décembre 2011

Noël pour une jeune médecin généraliste

" Situation étrange entre toutes: je suis médecin, ai un caducée sur mon pare-brise, et ce soir c'est Noël. Les gens se promènent avec de gros paquets enrubannés, ne prêtant guère attention à la jeune fille rêveuse qui dix ans plus tôt fêtait Noël comme eux , en toute insouciance.

Quelque chose a changé dans ma vie, me modifiant fondamentalement, imperceptiblement et irréversiblement. Je regarde ces familles occupées à préparer leurs fêtes, et je ne peux m'empêcher de songer à la précarité de l'équilibre que chaque famille tente de maintenir. Je ne peux m'empêcher de penser à toutes ces crises cachées sous des apparences de paix et de bonheur, crises dont mes patients viennent déverser le trop plein en consultation. J'ai perdu cette insouciance et cette irresponsabilité de ceux qui pensent que ces façades heureuses sont la vraie vie. Le contact journalier avec la souffrance physique et mentale m'a rendue plus consciente de la nature humaine, et plus patiente avec la vie. Le poids des responsabilités, parfois au dessus de mes compétences ou de mes forces, m'a fait prendre conscience de mes limites, et m'a poussé à donner le meilleur de moi-même.

Et malgré ce "désenchantement" ( qui est en fait un autre enchantement face aux ressources de l'être humain!), je suis pleine d'admiration pour ces personnes décidées à donner et partager le plaisir de la fête. La contagion me gagne et je voudrais pour quelques jours retrouver mes yeux d'enfants. Sera-t-il possible de déconnecter dans ma tête le film de toutes ces vies et ces douleurs?"

Chantal Renoy. Médecin généraliste, décembre 1999

Triant des papiers, je retrouve ce superbe texte d'une jeune consoeur fraîchement diplômée (à l'époque) qui m'avait demandé une dispense d'examen oral une veille de Noël pour cause de garde. Je lui avais renvoyé la balle en lui proposant de me faire un court bilan de ses premiers mois de médecine générale.  Je ne fus pas déçu. Si elle lit par hasard ce CaféJournal, quelque part à la frontière de Limelette et d'Ottignies, elle en ressentira peut-être un court moment d'émotion. Qu'avons-nous fait de nos vingt-cinq ans? 

Je vous souhaite une bonne fête de Noël
CV.

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