"L'amour s'est longuement exalté de tout ce qui le contrariait. Un jour, l'impossible vient à portée de main, les amants éblouis capturent leur bonheur. Arcadie, terre promise enfin donnée, ils entrent d'un pas étonné dans le rêve. Les années appartiennent enfin à ceux qui ont compté les heures. L'impatience se tait, le cœur s'apaise, les jours déroulent leur lent accord, tout ce qui fut fièvre devient douceur et l'exaltation tendresse. Le visage où l'on a lu un destin amer nous appartient et la joie la plus aiguë sera demain la plus quotidienne. Au fil du temps, il n'est pas d'aiguillon qui ne s'émousse, de gestes qui ne perdent leur pouvoir. Quand la mer se retire, on songe avec indulgence aux tempêtes passées. Julie retrouve la gaieté et François le désordre. L'habitude a raison de tout et le bonheur des passions. L'amour heureux porte sa propre condamnation."
J. Harpman
Qui a lu la dernière page de "Belle du Seigneur" d'Albert Cohen la retrouve intacte dans la conclusion du roman "Brève Arcadie" de Jacqueline Harpman. Il faut lire deux fois sans doute pour comprendre, et le coeur bat moins vit qu'en parcourant les ouvrages de la collection Harlequin, mais certains se retrouveront peut-être dans ces lignes. De quoi entamer sur un mode interrogatif une semaine que je vous souhaite bonne.
Lu dans :
Jacqueline Harpman. Brève Arcadie. Editions Labor 2001 (1ère édition Julliard 1959). 216 pages. Extrait p.191.