31 décembre 2019

Le passage d'année


"Tu parles d'étoiles
Je te parle de rivières
Tu parles d'astres
Je te parle de lacs
Tu parles de l'infini
Je te parle de la toundra
Tu parles d'anges
Je te parle d'aurores boréales
Tu parles des cieux
Je te parle de la terre."
                Joséphine Bacon. Poésie amérindienne, de la tribu des Innus.


Une année s'éteint, une autre s'ouvre. L'une parle de rivières, l'autre d'étoiles. Revoir l'inoubliable clip-vidéo du chant "Là-bas" de Jean-Jacques Goldman, et le clap final du fourgon qui s'en va vers un improbable futur. Le passage d'année reste pour beaucoup une transition incontournable entre le souvenir des bonheurs heureux et l'espoir de temps meilleurs. La vie est à ce prix.


 
Lu dans:
Joséphine Bacon. Uiesh - Quelque part. Éd. Mémoire d'encrier. 2018. 122 pages.
Le Québec l’aime beaucoup, qui l’a décorée cette année de l’ordre des Arts et des Lettres: c’est une femme de paix, ce dont témoigne particulièrement son dernier ouvrage. Elle qui pourtant ne connaissait, dans son enfance, ni le livre, ni l’écriture. Joséphine Bacon, née en 1949, est amérindienne, de la tribu des Innus, aujourd'hui professeure, enseignant sa langue, poète, réalisatrice de documentaires, vivant à Montréal.

23 décembre 2019

L'embellie


"Endroits où l'eau est plus eau qu'ailleurs
l'oasis de Tozeur     l'estuaire de l'Hudson River
un verre d'eau embué dans une chambre d'hôpital
quand on vous permet enfin de boire une gorgée."
            Claude Roy. La Fleur du Temps.
 
C'est un beau mot, l'embellie, ce petit rien inattendu qui donne du sens à votre journée. Ce matin je termine ma tournée par une patiente hospitalisée en unité palliative, connue depuis son plus jeune âge.  Une famille aimante l'entoure, qui a apporté un petit sapin en bois orné de photos, la boule de Noël musicale, le cadeau dans son superbe emballage, et ils se désolent qu'elle ne réponde plus à aucune sollicitation depuis la veille, plongée dans une sédation profonde. Ils auraient tant souhaité pouvoir prendre congé en lui partageant ces présents préparés avec amour. Sans grand espoir, je l'interpelle à la manière de toujours, celle des angines de la prime enfance, des chagrins amoureux de l'adolescence, des annonces de bonnes et mauvaises nouvelles des dernières années. Elle ouvre les yeux, sourit, remercie et reconnaît sa famille qui n'en croit guère ses yeux. Dans ces cas-là, c'est moi qui remercie. 
 
Lu dans: 
Claude Roy. La fleur du temps. 1983-1987. NRF. Gallimard. 1988. 356 pages. Extrait p. 308

21 décembre 2019

Les hommes qui marchent


"Va, avance désarmé."
       Hölderlin



On lit le vers d'Hölderlin et on voit la longue silhouette efflanquée de l'Homme qui marche de Giacometti. On voit aussi ces dizaines de milliers de civils qui fuient les bombardements dans la région d’Idlib en Syrie, hier, ou les corps ensanglantés du massacre de Sinak en Irak, avant-hier. Récits sans fin que nous livre la presse au petit-déjeuner, nous flanquant une vague nausée: on avance désarmé sur une terre surarmée. Quelle réponse imaginer à ce grand écart quotidien? Peut-être le choix de de demeurer envers et contre tout "indésespérable" comme le suggère Wajdi Mouawad dans un beau texte. "Je n’ai pas de position, je n’ai pas de parti, je suis simplement bouleversé car j’appartiens tout entier à cette violence. Je regarde la terre de mon père et de ma mère et je me vois, moi : je pourrais tuer et je pourrais être des deux côtés, des six côtés, des vingt côtés. Je pourrais envahir et je pourrais terroriser. Je pourrais me défendre et je pourrais résister et, comble de tout, si j’étais l’un ou si j’étais l’autre, je saurais justifier chacun de mes agissements et justifier l’injustice qui m’habite, je saurais trouver les mots pour dire combien ils me massacrent, combien ils m’ôtent toute possibilité à vivre. (..) Il n’y a que ceux qui crient victoire à la mort de leurs ennemis qui tirent joie et bonheur de ce désastre. Je ne serai pas l’un d’entre eux même si tout concourt à ce que je le sois. Comment faire pour éviter le piège? Comment faire pour ne pas se mettre dans le discours qui nous mènera tout droit à la détestation ? (..) Ce n’est pas la destruction qui me terrorise, ce ne sont pas même les invasions, non, car les gens de mon pays sont indésespérables malgré tout leur désespoir et demain, j’en suis sûr, vous les verrez remettre des vitres à leurs fenêtres, replanter des oliviers, et continuer, malgré la peine effroyable, à sourire devant la beauté. Ils sont fiers. Ils sont grands. Les routes sont détruites ? Elles seront reconstruites. Et les enfants, morts dans le chagrin insupportable de leurs parents, naîtront encore. Au moment où je vous écris, des gens, là-bas, font l’amour. Obstinément."



Lu dans:
Wajdi Mouawad. Le Sang des promesses : Tome 2, Incendies. Postface de Charlotte Farcet. Actes Sud. Collection : Babel. 2011.  169 pages.

20 décembre 2019

à côté de mon petit sac


"Parfois le soir, seul au bord des routes, assis à côté de mon petit sac en regardant venir la nuit, regardant s'en aller le petit vent dans la poussière sentant l'herbe, écoutant le bruit des forêts, j'avais parfois presque le temps de voir mon bonheur. C'était comme le saut de la puce : elle est là, elle est partie, mais j'étais heureux et libre." 
                            Jean Giono


Moment précieux. On a connu ces instants magiques, les connaît-on encore souvent? Peut-être demain.

 

Lu dans: 
Jean Giono. Que ma joie demeure. Grasset 1935. Le Livre de Poche 493-494. 504 p. Extrait p. 265

18 décembre 2019

Dans ma rue

"Pense avec le monde, il ressort de ton lieu. Agis en ton lieu, le monde s'y tient."             Édouard Glissant
Qui n'a rêvé d'être Tom Dooley, le docteur Schweitzer, médecin sans frontière? La vie trie, tout en nous gâtant parfois au-delà de nos espérances. Quelques décennies plus loin on découvre que les patients sont partout les mêmes, mêmes souffrances, mêmes désirs d'une vie meilleure, d'enfants heureux, d'une fin digne pour les parents. Et que si travailler le mieux possible dans sa rue ne fait pas un héros, cela vaut la peine.

Le refrain de la vie

"Ils ont croisé tes mains         où ne bat plus qu’à peine
ce que papillonne         le myocarde en peine
coincé dans ta poitrine.
As-tu faim     as-tu peur     as-tu froid     as-tu soif
souffres-tu ?    Quel songe fais-tu
dans tes trente milligrammes de morphine ?
D’une araignée peut-être     qui tisse un cocon cru
où replier tes ailes.
Ta respiration entre en métamorphose
il y des râles crescendo         puis une pause
guettés par ceux qui veillent         pendus à tes lèvres mi-closes
dans l’instant très plein         où tu t’accordes une trêve
l'air est immobile             le temps caresse en rêve
l'idée de s’arrêter.
Et puis cela reprend        tu tiens encore un peu le refrain de la vie
fête fragile         au travers de la nuit.
                    Thibault Wautier



Thibault Wauthier, jeune médecin généraliste exerçant dans la province du Luxembourg, a écrit ce beau et âpre poème inspiré par une situation de soins palliatifs qu'il a accompagnée il y a quelques mois. Comme une envie de partager les sentiments intenses qui envahissent le soignant au moment précis où le fil avec le patient se rompt. Qui se tracasse de la souffrance de médecin?  Reviennent les mots sobres d'Henning Mankell dans son roman posthume: "Autrefois je croyais qu'un médecin mourait différemment de ses patients. Un médecin connaît tous les processus qui conduisent le cœur et le cerveau à cesser de fonctionner. On pourrait donc croire qu'il est mieux armé que d'autres. En réalité, il n'en est rien. J'ai beau être médecin, la mort est aussi dure,  effrayante et impossible à anticiper pour moi que pour quiconque. Je ne sais pas si je vais mourir calmement ou au terme d'une résistance acharnée. Je ne sais absolument rien de ce qui m'attend."


Lu dans:
Thibaut Wautier. Le refrain de la vie.  email : wautierthibault@hotmail.com
Henning Mankell. Les bottes suédoises. Le Seuil. Points. 2017. 384 pages.

17 décembre 2019

Beauté éphémère

"Les canards sèment
Des poignées de graines noires
Dans le ciel apprivoisé
Une mesure indicible
Ombres et lumières raient
Les reflets fragiles à travers
Les brumes basses."
                André Miguel. Boule androgyne. Le songe du parfum


16 décembre 2019

Ces murs qu'on abat


"En deux heures, le fils a jeté le mur par terre
et le vieux secrétaire     émerveillé
a découvert le paysage.
Il avait vécu soixante-dix ans avec un mur dans le front."
                 Félix Leclercq

 
Lu dans:
Félix Leclercq. Le calepin d'un flâneur. Poche. Bibliothèque Québecoise. 1995. 200 pages. Extrait p.126

14 décembre 2019

Une ode à l'Europe


"Qui sommes-nous maintenant ?
Ce que nous partageons,
C’est d’avoir traversé le feu,
D’avoir été, chacun,
Bourreau et victime,
Jeunesse bâillonnée et couverte de sang.Ce que nous partageons,
C’est l’humanisme inquiet.
"Nous savons ce que l’homme peut faire à l’homme,
Nous connaissons l’abîme,
Nous avons été avalés par sa profondeur.
Ce qui nous lie, c’est d’être un peuple angoissé,
Qui sait l’ombre qui est en lui.
L’Europe, c’est une géographie qui peut devenir philosophie.
Un passé qui veut devenir boussole.
Un territoire de cinq cents millions d’habitants,
Qui a décidé d’abolir la peine de mort,
De défendre les libertés individuelles,
De proclamer le droit d’aimer qui nous voulons,
Libre de croire ou de ne pas croire,
Nous sommes humanistes et cela doit s’entendre dans nos choix,
Aucun Dieu unique en Europe,
Aucun panthéon devant lequel s’agenouiller.
Le territoire est vaste et doit le rester.
Nous avons construit un continent Babel,
Étrange et compliqué, qui ne tient que dans cet équilibre subtil,
Entre indépendance et fraternité. »
            Laurent Gaudé. Nous l’Europe, banquet des peuples.


Dans une vaste ode à l’Europe, récompensée par le Prix du livre européen, Laurent Gaudé invente les mots pour redire le sens, le besoin, la force de l’Europe. Reviennent à l'esprit les lignes de feu de Christine Taubira: "Est-il possible que personne ne sache dire, avec les mots de la vie publique, que nous vivons et résistons ensemble? S'il en est ainsi, que l'on s'empare alors des mots des poètes! Les mots de Louis Aragon qui mêle dans de mêmes amours et les mêmes actes de résistance ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n'y croyaient pas. Ou les mots d'Antoine de Saint-Exupéry qui sait faire créer le navire non en enseignant à hisser les voiles, forger les clous, lire les astres, mais en faisant naître dans le cœur des hommes le désir de la mer, le goût d'être ensemble. Avons-nous à ce point désappris à dire?"


Lu dans:
Laurent Gaudé. Nous l’Europe, banquet des peuples. Actes Sud. 2019. 182 pages. Collection : Domaine français.
Christiane Taubira. Murmures à la jeunesse. Philippe Rey éd. 2016. 94 pages. Extrait pp.68-69

12 décembre 2019

Les compagnons


"Un homme fait le pèlerinage et croise un travailleur affairé à casser des pierres
Que faites-vous     Mon boulot    Casser des cailloux    De la merde
J'ai plus de dos    Un truc de chien    Devrait pas être permis   Autant crever

Des kilomètres plus loin un deuxième occupé au même chantier
Même question    Je bosse    J'ai une famille à nourrir    C'est un peu dur
C'est comme ça et c'est déjà bien d'avoir du boulot    C'est le principal

Plus loin    Avant Chartres    Un troisième homme     Visage radieux
Que faites-vous
Je construis une cathédrale."
            Paul Claudel. De Paris à Chartres.



Lu dans:
Joseph Ponthus. À la ligne: Feuillets d'usine. La Table Ronde. Collection Vermillon. 2019. 272 pages.

11 décembre 2019

Ombres et lumières


"Volets et rideaux se ferment lorsque l'obscurité succède au jour, ou s'ouvrent au spectacle de la pleine lune, du ciel étoilé, de l'orage ou de la neige. Cette occultation, utile pour augmenter la luminosité dans la pièce par réflexion de la lumière artificielle, contribue aussi à son intimité. L'éclairement y est encore au minimum de 250 à 500 Lux chez les riches alors qu'il dépasse rarement 50 à 100 Lux chez les pauvres. Riches ou pauvres jouissent pendant la journée d'un éclairement allant jusque 90.000 Lux. "
                    Philippe Samyn


L'ombre n'existe que parce qu'existe la lumière. La longue réflexion de l'architecte Samyn sur l'ombre et la transparence ouvre le champ à notre rêverie autant qu'à la réflexion. La transparence diffuse de la brume ou du soleil frisant tempère les désagréments de la lumière trop vive et adoucit les couleurs; l'ombre morcelée par le mouvement lent des nuages, la pluie ou la neige, le frémissement de l'eau ou du feuillage d 'un arbre, rend compte du temps qui passe. L'intimité chaleureuse que procure l'occultation des pièces quand tombe le soir favorise les belles conversations. L'éclairage parcimonieux des humbles chaumières et la munificence des lustres des palais ne sont que pâles reflets de la lumière du jour généreusement dispensée aux riches comme aux pauvres. L'architecture est une reconstruction permanente de notre relation à la nature.






Lu dans:
Philippe Samyn. Entre ombre et lumière. Académie Royale de Belgique. Collection L'académie en poche. 2017. 125 pages. Extrait p. 66

10 décembre 2019

Les hommes providentiels


"Pour garder les moutons, un chien est mieux qu'un aigle. Ceux qui planent devraient-ils gouverner?"   
                                Félix Leclerc.




Lu dans :
Félix Leclerc.  Le calepin d'un flâneur. Montréal. Fides. Bibliothèque québecoise. 1961. 220 pages. Extrait  p.114

09 décembre 2019

Parole de voyageur


"Il lui fait cette déclaration dont je ne pense pas que beaucoup de longs poèmes l'égalent en beauté, en justesse, en conscience de l'impermanence des choses en ce bas monde:
Je suis heureux que tu te sois trouvé sur ma route.
Parole de voyageur.   
Parole d'habitué des routes, des carrefours, des rencontres.
Parole de vrai amoureux de la vie,
reconnaissant aux surprises qu'elle réserve."
                                    Sylvain Prudhomme



Lu dans:
Sylvain Prudhomme. Par les routes.  Gallimard. Collection L'arbalète. 2019. 304 pages.

07 décembre 2019


"Dans toute magistrature il faut compenser la grandeur de sa puissance par la brièveté de sa durée."
                                Montesquieu. L'esprit des lois (1748)



06 décembre 2019

L'amant de feu


 "Le soleil, plus bas, semblait saigner. Et une large traînée lumineuse, une route éblouissante courait sur l'eau depuis la limite de l'océan jusqu'au sillage de la barque. Les derniers souffles de vent tombèrent, toute ride s'aplanit, et la voile immobile était rouge. Une accalmie illimitée semblait engourdir l'espace, faire le silence autour de cette rencontre d'éléments. Tandis que, cambrant sous le ciel son ventre luisant et liquide, la mer, fiancée monstrueuse, attendait l'amant de feu qui descendait vers elle. Il précipitait sa chute, empourpré comme par le désir de leur embrasement. Il la joignit et, peu à peu, elle le dévora. "
                        Guy de Maupassant.


Comme la mère étreint son enfant, la mer étreint le soleil, et c'est fort joliment décrit. Une écriture somptueuse et sensuelle qu'on pourrait lire en maternelle, tant elle décrit la passion avec pudeur et délicatesse. 



Lu dans:
Guy de Maupassant. Une vie. Paris, Victor Havard, 1883.
idem. Coll J'ai Lu. 2013. 190 pages

05 décembre 2019

Les beaux habits


"Salauds de pauvres." 
        Jean Gabin dans La Traversée de Paris. Autant-Lara 1956.


Les beaux quartiers font les belles gens, et on ne peut leur en vouloir. La grande pauvreté, elle, porte la honte comme un costume mal taillé, dans des rues taguées malpropres, préférant la compagnie gris muraille d'autres vilains-pas-beaux auxquels ils se confondent pour ne pas attirer l'attention. Je découvre les sobres lignes de Karel Logist, lui trouvant bien du talent: "Ils sont deux, ils avancent flanqués l’un de l’autre, efflanqués. Ils se donnent la main en se rappelant mutuellement qu’ils existent par une secousse qui les projette épaule contre épaule. Et ils ne me voient pas, ne peuvent pas me voir car ils sont, à perte de vue aveugles et invisibles. Ils ne sont pas lavés mais ils portent sur eux leurs plus beaux habits devenus leurs vêtements de tous les jours, de même que leur plus beau jour est rapidement devenu semblable à chaque nouveau jour passé sur un sol étranger mais dans une même errance." Si peu de choses nous sépare pourtant, sauf le mérite d'être né au bon moment au bon endroit. 



 
Lu dans :
Karel Logist. La Force d'inertie. 1996. Le Cherche-Midi. Collection Domaine privé. Epuisé.

04 décembre 2019

Heureux qui comme Ulysse


"Mais voilà que la douce réalité des premiers jours allait devenir la réalité quotidienne qui fermait la porte aux espoirs indéfinis, aux charmantes inquiétudes de l'inconnu. Oui, c'était fini d'attendre."
                    Guy de Maupassant
 

La vie comme un voyage, dont la préparation et le départ surpassent le retour. Le petit goût de fini, de jamais plus, est un puissant stimulant pour ces êtres toujours en projet dont on se demande où ils puisent leur énergie.
 

 
Lu dans:
Guy de Maupassant. Une vie. J'ai Lu. 2013. 190 pages

03 décembre 2019

Le prix d'une rencontre


"Faites un prix, m'a dit l'huissier
Ce sera sans problème !
J'examine le lot : vingt recueils de poèmes
Non lus, non découpés
Pas bien anciens non plus
Sur la table échoués
Entre les Bécassine et Benjamin Rabier.
Des auteurs bien connus
Et de prix couronnés
Le tout chez De Rache, éditeur
Homme de flair, homme de goût, d'ailleurs
Il avait refusé mes vers.
Voix de l'huissier le lendemain :
Vous l'avez à ce prix : une croûte de pain ! (..)
Ouvrant chaque volume, avec bonheur
Je savoure le ton personnel d'une page (..) :
des amis sont venus me parler cœur à cœur
Mais ils n'en sauront rien, ce partage est secret.
(..)  J'ai sauvé vingt recueils, et je sais à présent
Le prix sans prix de la parole poétique."
            Antoinette Dalcq. Vente publique.


Lignes rédigées il y a trente ans, son auteure est décédée depuis. Aurait-elle imaginé, dans sa modestie, qu'elle nous enchanterait encore, comme "une amie venue nous parler cœur à cœur"? On sème, on ne connaît ni l'heure ni le lieu de la récolte.


Lu dans:
Antoinette Dalcq. Nommer les choses comme Adam. Ed. J.Dieu-Brichart. 1988. 56 pages. Extrait p.53

01 décembre 2019

Sagesse des bancs

"Je m'étais assis à côté de lui. Il y a eu un silence.
Deux vieillards sur un banc où il y avait de la place pour toutes sortes de vérités, petites et grandes." 
                                Henning Mankel
 

Qui réhabilitera les bancs dans nos cités, espaces de confidences, de pauses gratuites, d'écoute à l'abri des indiscrétions? Il faut imaginer des villes amies des aînés, balisant leurs sorties d'espaces de repos, de sièges favorisant la récupération, de places ombragées rafraîchies par un point d'eau. Petites oasis urbaines où la parole puisse circuler en toute liberté.


 
Lu dans:
Henning Mankel. Les bottes suédoises. Le Seuil. 2016. 381 pages. Extrait p.299
Pierre Marie Chapon. "Villes amies des aînés» en France: outil au service du vieillissement actif ou marketing territorial? Le vieillissement actif dans tous ses éclats. PUL. 2014. 214 pages.