28 septembre 2014

Plumcake, de chez Proust


"La fumée de la pipe me renvoie en enfance, quand j'avais encore la tête dans les nuages."
            Mareste

"Il pleut. On voit, par la bow window du salon, la bruine tomber doucement. Nous sommes à Pâques, en 1973, dans une petite ville du Kent.  Et cela sent l’herbe coupée, qui gonfle de moisissure, sous des averses tièdes. Je suis en séjour linguistique, et j’aime le soir quand vers 21h30, pour le high tea, devant la télé BBC à laquelle je ne comprends presque rien, Jane dépose des crackers salés, avec un peu de Stilton dessus, avec un tout petit peu de son vin d’orange, qu’elle garde dans un carafon peint. Surtout, elle prépare ses cakes, en cuisine. Et David allume sa pipe. C’est l’heure de l’odeur. Je ne l’oublierai pas. Le petit salon cosy s’emplit d’un parfum mêlé,  de tabac, de raisins de corinthe mis à gonfler dans du rhum et cuits longuement au four, de foin mouillé et de temps qui passe, monotone et paisible.
 
Nous sommes en septembre 2014. Il pleut. Ma femme me rejoint sur le balcon, renifle, étonnée. « Tu fumes quoi ? ». Elle renifle encore, parle de raisins secs, de rhum. De subtilité. « C’est quoi, c'est excellent ». Du Plumcake, de chez Mac Baren. « C’est très exactement l’odeur de mes soirées, à 13 ans, dans le Kent , que je viens de retrouver.»  Décidément, c’est bizarre. Et je me dis, en la rejoignant, qu’il faudrait que je fasse une revue, peut-être peu conventionnelle et sûrement trop longue, pour parler quand même de ce tabac que j’aime; de son parfum mêlé  de tabac léger, de vin d’orange, surtout de raisins de Corinthe mis à gonfler dans du rhum puis longuement cuits au four, et de la touche de foin mouillé qui se glisse près du cake : mais le tout lointain et discret comme un ennui très doux,  comme le temps qui passe, comme une nostalgie."

On n'osera bientôt plus confier à personne la magie de la pipe du dimanche soir où se consument quelques grammes d'un tabac grand cru, plaisir aussi éloigné du tabagisme compulsif que la dégustation d'un porto hors d'âge l'est d'un binge drinking. Se mêlent dans ses volutes les images de la journée passée, les souvenirs et les visages d'un passé inattendu et l'avant-goût de la semaine qui commence. Les superbes boîtes écrins de nos tabacs favoris s'ornent désormais d'un bandeau occupant la moitié du couvercle "fumer tue", et le pire c'est que c'est vrai. Encore qu'à toute toute petite dose, sans inhaler, cela doit tuer infiniment lentement. 
 

Lu dans:
Mareste. http://www.alanoblebouffarde.com/ Mac Baren - Plumcake : dans le Kent et dans le temps. Lun 22 Sep 2014.

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