25 octobre 2025

Appelez Fantomette

 "Appelez Fantomette. Il suffit de ...' 
                Georges Chaulet


En ce début de semaine, un commando de quatre personnes a braqué le musée du Louvre à Paris. Etrangeme: la lecture du tome 29 de Fantômette (un livre Jeunesse) en décrit avec précision le mode opératoire. « Il suffit de poser une échelle contre le mur, de grimper au premier étage. Ensuite, on casse le carreau, on fait dix mètres, on brise la vitrine d’un coup de marteau, et hop ! on a la main sur l’objet. » Les voleurs du Louvre sont-ils des grands lecteurs de ce livre vieux de 50 ans? 


Lu dans: 
Georges Chaulet. Appelez Fantômette. Hachette Jeunesse. Tome 29. 5 août 2015. Paru en première éditin en 1962 dans la Bibliothèque Rose.  
Appelez Fantomette. Le Soir. Petite Gazette. 25 octobre 2025 

24 octobre 2025

Le serment d'être heureux

 « Refais chaque jour le serment d'être heureux. » 
                            d’après Alain. Propos sur le bonheur, XCII.

                         


Le 24 octobre 1999 j'envoyai à une dizaine de mes collègues du Centre de médecine générale de l'UCL cette pensée du philosophe Alain via un moyen de communication tout neuf, leur courrier électronique.  Je souhaitais ainsi les stimuler à l'utiliser, car ils n'en voyaient pas l'utilité, leur boite de réception demeurant désespérément vide. Le contrat était simple: l'ouvrir au moins une fois par jour durant deux semaines, et je leur fournirais durant ce laps de temps une réflexion quotidienne susceptible d'être un rayon de soleil dans le quorifdien. Craignant de ne pas tenir la distance,  j'escomptais que quelques échanges prendraient le relais de ces modestes "pensées entre café et journal" à date de peremption annoncée.  Les miracles existent, après deux semaines le forum de discussion du centre bruissait de discussions aussi intéressantes que passionnées. Le moment d'interrompre mes  envois quotidiens fut postposé d'un mois, puis de deux, et puis d'une année. "Le serment d'être heureux" devint imperceptiblement "le serment de rendre heureux", terminant chaque journée par le partage d'une rencontre, d'une lecture, d'une parole reçue méritant  d'être partagée car ajoutant du bonheur au monde. Une médecine sans médicament, sans examen, sans maladie. Une assuétude douce: on plante un arbre, puis un autre et on retrouve vingt-cinq  ans plus tard une forêt dans laquelle se reposer fait du bien. 

23 octobre 2025

Fatma Hassona, la mémoire de Gaza

 

"Peut-être vais-je commencer ma mort dès maintenant,
avant que l’homme debout devant moi
aiguise son fusil précis
et qu’il en finisse
et que j’en finisse." 
                Fatma Hassona. L’Homme qui portait ses yeux


L'émouvant film issu des échanges durant une année, par smartphones interposés, entre la réalisatrice iranienne Sepideh Farsi, exilée en France, et Fatma Hassona, jeune palestinienne de 24 ans prisonnière de l'enfer de Gaza, se termine dans un silence assourdissant. Une bombe israélienne vient de la faucher ainsi que toute sa famille, réduisant la maison familiale en poussière. Des décombres d'une ville martyre surgira peut-être une Riviera comme suggéré avec un cynisme rare par un président des Etats-Unis délirant, mais le visage rayonnant de la jeune palestinienne ne quittera plus nos mémoires, vivant témoignage de l'absurdité de cette guerre.  
Regagnant le métro par les rues illuminées du centre ville de Bruxelles, rarement notre capitale nous parut aussi belle. Une ville en paix, la lumière des vitrines, l'odeur chaude des gaufres, la longue queue devant une friterie emblématique, un musicien de rue s'accompagnant à la guitare, comment tout cela est-il possible: qu'est-ce qui est fiction, et qu'est-ce qui est réel?  Comment faire cohabiter en nous, tout en restant sereins, ces images de gravats et de ruines se superposant à la féérie des illuminations? Comment réunir ces fragments dédoublés qu’on appelle un individu ? 


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Put Your Soul on Your Hand and Walk. Film documentaire de Sepideh Farsi, avec Fatma Hassona. 2025. France, Palestine, Iran. 110 min.

21 octobre 2025

Les trésors d'une vie

 « Les vieux rêves étaient de bons rêves. Ils ne se sont pas réalisés, mais je suis contente de les avoir eus."                                            Robert James Waller. Sur la route de Madison. 

                   


Lors d'une visite à l'hôpital, je réveillai une vieille patiente, endormie sur ses bras. Les cloches de la collégiale toute proche célébraient un mariage. Je la sortis d'un rêve heureux: elle avait vingt ans, et venait de rencontrer son futur mari. Qui fait des rêves a la capacité de revivre les bonheurs   d'une vie. 


Lu dans: 
Robert James Waller. trad. Anne Michel. Sur la route de Madison. The Bridges of Madison County. Albin Michel. 1993. 185 pages.

20 octobre 2025

Fais-toi lumière du soir

 

"La lumière crue de midi
éclaire sans pitié les objets et les choses.
Sans ombres où se protéger,
elle me brûle les yeux,
assassine mon coeur.

"J'aime la lumière du soir
qui réchauffe le sable,
effleure les contours,
caresse les sommets,
et laisse aux ombres
la part du doute.

Cette lumière douce,
aux multiples nuances,
pénètre sans violence,
et je peux regarder.

Toi qui me soignes,
quand tu me parles
de ce mal
que je ne peux pas nommer,
s'il te plaît,
fais-toi lumière du soir." 
                    Christiane GLEIZE. Se faire lumière du soir


Beau texte épinglé en clin d'oeil par trois étudiant(e)s à leur évaluation du cours d'Introduction à la médecine générale (session 1999-2000).
 25 ans plus tard, que sont-ils-elles devenu-e-s? 

16 octobre 2025

Aaphorismes sans queue ni tête

"Un monsieur qui lit sur la plage est-il sur la plage pour lire, ou lit-il parce qu'il est sur la plage ? "  
                                    Georges Perec



Assurément une de ces petites phrases dont on se dit qu'elle est parmi les plus sottes jamais lues. D'où vient-il qu'elle vous reste en tête toute la journée? 


Lu dans:
Georges Perec. Penser, classer. Seuil. 2003. 175 pages

15 octobre 2025

Des simples

 "Ai-je vraiment existé ?

Sans doute

Mais vécu ?" 

                Michel Van Den Bogaerde



On recueillait jadis dans les jardins des monastères des Simples, plantes réputées pour leurs vertus thérapeutiques. Pareillement, on croise chaque jour des Simples, personnes effacées dont les modestes réflexions témoignent d'une profondeur insolite. Ainsi cette maman d'origine étrangère, veuve depuis quelques années, fière d'élever seule ses trois enfants dans la dignité, leur assurant une scolarité et un habitat corrects. Evoquant son époux disparu après avoir sombré dans toutes les dépendances, elle essuie quelques larmes: "Que de regrets! J'ai vécu à côté de lui toutes ces années, je n'ai pas vécu avec lui. Peut-être que cela aurait pu tout changer."  


Lu dans:
Michel Van Den Bogaerde. Suspension du prononcé. Coudrier. 2025. 66 p.

14 octobre 2025

De l'enfer vers le purgatoire


"Nous prîmes alors la route souterraine,
pour regagner le monde de lumière,
sur la rive gauche, sur le chemin,
je vis un lieu désert, rare et sauvage,
de visage terrible, et d’un silence profond. »  
                Dante. La Divine Comédie. 


Rien ne m'est apparu plus significatif de l'univers construit qu'on nous présente désormais comme la réalité, que ce récit  du retour des otages de la bande de Gaza. Aux images d'une Place des Otages en délire, de la Knesset acclamant debout Donald Trump, de la "paix éternelle" signée à Charm el-Cheikh, sans la présence des belligérants, par vingt dirigeants imprégnés de leur importance, je préfère la description de Dante dans sa Divine Comédie. Comment imaginer heureux le retour dans leurs familles de ces morts-vivants, leur douloureuse réintégration après tant de désespérance? Se représenter leur arrivée au Nord de la Bande de Gaza, remis à la Croix-Rouge comme Dante et Virgile sortant de l’Enfer et ouvrant les yeux sur "un lieu silencieux et effrayant avant de rejoindre le Purgatoire".  C’est là que dans la Divine Comédie Dante sera finalement réuni avec Béatrice, émergeant de l’autre côté du monde pour retrouver un pays, une famille, un quartier dont ils avaient conservé le souvenir et qui n'existe plus. 


Lu dans:
Dante. La Divine Comédie. Chant XXXIV. L’Enfer.  

11 octobre 2025

Un verre qui fuit

 "Et puis la vie reprend son cours. Les jours se suivent. Mon fils et moi, dans la cuisine, nous coupons des oranges (..). Parfois, nous faisons tomber un verre. Parfois, une assiette. Parfois le verre ou l'assiette se brise en éclats tranchants qui créent, au sol, de nouveaux pays, de nouveaux continents. Nous les ramassons avec soin. Nous les ramassons tous. (..), rassemblons les morceaux de verre, les morceaux d'assiette. Nos puzzles à nous. Nous les remettons en place. Nous les recollons. À force de patience, à force de ferveur, nous remontons le temps, nous défaisons ce qui s'est fait. (..) À la fin nous avons... quoi ? Un verre qui fuit. Une assiette avec un trou dedans. Nous les gardons. Ils sont la preuve que ce qui a eu lieu a bien eu lieu. Ce n'est pas la destruction que nous archivons. Ce qui a eu lieu, c'est le soin, c'est l'attention. Ce qui a eu lieu, c'est le temps. Et c'est nous. Oui, nous les gardons, ces verres, ces assiettes, car ils sont l'archive matérielle de nous."   
                                                            Jakuta Alikavazovic

                                


Je le regarde s'éveiller. Si vieux, si pâle, avec déjà un peu de mort sur le visage. La médecine est une longue patience, qui reconstiue à longueur de jour les pièces d'un puzzle, un verre qui fuit, une assiette avec un trou au milieu. On ne rendra jamais sa jeunesse à ce vieux qui avance, courbé sur sa canne. Pourquoi donc le soigner avec autant d'attention, d'affection, de crainte de le perdre que celles que nous mettons à traiter un enfant dans la force de l'âge? Parce qu'il représene ce qu'est une vie, naissance, croissance, plénitude, descente et que toute  vie mérite ce respect. Le soin qu'une société apporte à ses vieux est une promesse faite aux jeunes de ne pas craindre l'avenir.     


Lu dans: 
Jakuta Alikavazovic. Au grand jamais. Gallimard. NRF. 2025. 250 pages. Extrait pp 244-245


10 octobre 2025

L'homme qui plantait des news du monde

 "Le berger alla chercher un petit sac et déversa sur la table un tas de glands. Il se mit à les examiner l’un après l’autre avec beaucoup d’attention, séparant les bons des mauvais. (..) Quand il eut du côté des bons un tas de glands assez gros, il les compta par paquets de dix. Ce faisant, il éliminait encore les petits fruits ou ceux qui étaient légèrement fendillés, car il les examinait de fort près. Quand  il eut ainsi devant lui cent glands parfaits, il s’arrêta et nous allâmes nous coucher. La proximité de cet homme donnait la paix." 

                                Jean Giono 

Fichier:L Homme qui plantait des arbres 10.JPG — Wikipédia


A chaque époque ses héros silencieux. Je reçois ce matin le 343ème "Regards sur le monde" de mon ami Maurie Einhorn, qui porta à bout de bras Le Journal du Médecin à sa création durant de longues années. Il poursuit depuis inlassablement sa quête de brèves, mots, phrases insolites, nouvelles du monde éclairées par un zeste d'humour et de bienveillance. Dégagé du souci de faire du profit, esprit indépendant, ses contributions améliorent notre quotidien sans faire de bruit. Si vous souhaitez découvrir ces lettres bihebdomadaires ,  gratuites et dont on se désinscrit aisément: maurice.einhorn2@gmail.com

S'inscrire    maurice.einhorn2@gmail.com


Lu dans: 
Jean Giono. L'homme qui plantait des arbres. Gallimard NRF 2010 34 pages 


07 octobre 2025

Longue-vue


"Or un matin joli que j'sifflais ce refrain
Mon bonheur est parti sans me donner la main."  
                            Félix LeclercL' p'tit bonheur .


Le promontoire de Sdérot, en bordure de Gaza, offre une vue imprenable sur l'enclave palestinienne. Transformé en mémorial du 7-Octobre, on peut  y contempler à la longue-vue la destruction programmée de la ville. Point n'est besoin d'observatoire pour le lecteur du Monde qui découvre ce jour le récit d'une visite de trois heures de ce champ de ruines, sous escorte de l'armée israélienne. "Dans la poussière, le convoi militaire traverse ce qu’il reste de la bande de Gaza. Aussi loin que porte le regard règnent désolation, amoncellement de gravats, maisons pulvérisées, immeubles fracassés. Les destructions paraissent irréelles tant elles sont absolues et systématiques."  Pour équilibrer la terreur, la même page propose le récit de survivants de l'attaque terroriste du Hamas il y a deux ans. Comment garder l'esprit serein et préserver notre bonheur après la récit de pareilles horreurs? 


Lu dans:
Lucas Minisin. C’est le meilleur spectacle en ville  Le Monde 21.7.25
Luc Bronner.  Trois heures dans Gaza anéantie. Le Monde 7.10.25

04 octobre 2025

Une carte postale de la mer

 

"Vers Gand le ciel s’ouvre,
des grains de sable tombent 
de l’émeri des nuages bleus, 
une odeur de crêpe au sucre 
brinquebale vers Blankenberge." 
                    François Liénard


On imagine ces quelques lignes écrites au dos d'une carte postale, au temps où on en écrivait encore.  Avec en surimpression des images du tram qui longe la côte belge, du sable qui s'insinue dans les sandales, des mouettes que les premiers frimas d'octobre délocaliseront bientôt vers les villes. De l'infini de la ligne d'horizon entre gris et bleu qui nous entre par les yeux, par les oreilles et par le nez. L’esprit vagabonde et on se plaît à imaginer une enfance qui ne serait pas dans le passé mais dans l'avenir. Une enfance de vieux, que seule la mer du Nord permet de réinventer. 


Lu dans:
François Liénard. Regina Maris. Lettre volée. 2025. 128 pages.

02 octobre 2025

Sagesse de Jane Goodal

 "Uun animal intelligent ne détruirait jamais sa maison. Or, c’est ce que nous faisons depuis très longtemps."  

                                Jane Goodal


Jane Goodall s’est éteinte mercredi soir à l’âge de 91 ans. C’est une des figures les plus marquantes et les plus médiatiques de la primatologie qui s’en va. Toute jeune chercheuse britannique en 1960, elle débarque dans un parc national de Tanzanie pour y observer les chimpanzés, Au-delà des primates au milieu desquels elle aimait s’asseoir en silence pour observer les interactions sociales, les jeux et la communication, Goodall n’a jamais fait mystère de sa fascination pour la nature tout entière, de son bonheur, et du bien-être intérieur qu'elle lui procurait. 


Lu dans: 
Michel De Muelenaere.Le Soir. du 1 octobre 2025.