"Une génération arrive à sa fin
trente ans devant nous qui lui succédons
nous voyons là-bas les têtes chenues
s'incliner rouler se dissoudre
l'une continuer plus loin que les autres
tandis que nous portons encore sur le dos
les jeunes parents les petits-enfants
qui jouent sans savoir apprennent à nager
et rient aux éclats en regardant la plage."
Jean-Pierre Lemaire
Un rayon de printemps a emporté en un mois mes quatre derniers oncles et tantes à l'approche de leurs cent ans. C'est une malle de souvenirs qui se referme, faisant de nous des
témoins de la métamorphose. Quelques jours plus tôt, "résistant au vent
du Nord, le hêtre du parc m'avait surpris, insensible aux bourrasques
cédant à peine une ou deux petites feuilles de son feuillage pâle.
Survint soudain quand rien ne s'annonçait que la douceur d'une journée
sans vent, une brise imperceptible et tiède qui se leva tout à coup, une
simple respiration, et par centaines, par milliers, les feuilles si
longtemps épargnées s'envolèrent, silencieuses, légères, dociles,
lassées de leur persévérance, lassées de leur résistance et de leur
vaillance. Ce qui avait tenu et résisté pendant cinq, six mois, succomba
en quelques minutes à un petit rien, à un souffle: l'heure de la fin
avait sonné et comme une bruine, elles tombèrent à terre, recouvrant le
chemin et l'herbe. Que m'avait révélé ce spectacle surprenant? Était-ce
la mort du feuillage hivernal qui s 'était accomplie sans heurt, sans
résistance? Ou était-ce la vie, la jeunesse impatiente et gaie des
bourgeons dont la volonté s'était soudain éveillée, leur permettant de
conquérir l'espace dont ils avaient besoin? Était-ce triste, était-ce
amusant?" (Hermann Hesse). C'était la vie comme elle va.
Lu dans:
Jean-Pierre Lemaire. Graduel. NRF Gallimard. 2021. 134 pages. Extrait p. 29
Hermann Hesse. Éloge de la vieillesse. LGF.2003. 158 pages.
1 commentaire:
C'est "quelque chose" de voir ainsi toute une génération s'en aller, comme les feuilles du hêtre quand les bourgeons naissent. Nous fêterons Pâques avec ma dernière tante encore vivante. Les invisibles "ne sont pas les absents", comme l'écrivait Hugo.
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