30 mars 2024

La lampe éteinte

"Tu montes moins vite à soixante-cinq ans
l'escalier sur la colline      (..)
tout en haut     tu vois que la porte est ouverte
mais il n'y a plus personne au monastère
les Sœurs sont parties en éteignant la lampe
qui disait autrefois que Dieu t'attendait   (..)
Tu t'assieds dehors     où rien ne te console
puis tu redescends
La douce présence est à chercher ailleurs
dans la ville profane     et les événements
en toute chose         en toi." 
                    Jean Pierre Lemaire


Dans le beau film "Un soir, un train" d'André Delvaux (1968), un convoi ferroviaire stoppe dans une steppe déserte, sans qu'on sache pourquoi, ni où, ni quand il repartira. Combien sommes-nous, cinquante ans plus tard, à le vivre? Perdues les certitudes qu'on nous avait enseignées, les pierres d'angle sur lesquelles s'échafaudaient nos trajets de vie, Marx et Dieu se taisent. On découvre sur le tard que nos enfants peuvent bien vivre sans inquiétudes métaphysiques, et ils finissent par nous convaincre que nul ne saura jamais où allait le train qui s'est arrêté. Ce qu'on considérait comme une douce présence serait-il donc bien à chercher ailleurs, dans la ville profane, et peut-être en soi?


Lu dans: 
Jean Pierre Lemaire. NRF Gallimard 2021 133 pages. Extrait p.11
André Delvaux. Un soir, un train. Scénario: d'après le roman de Johan Daisne De Trein der traagheid (litt. « Le Train de l'inertie »). 1968. France, Belgique. 88 minutes.

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