09 novembre 2023

La rumeur du lever

 "Près de la rivière où je m'assois, sur les bords de l'étang au pied d'un saule, d'un aulne ou d'un bouleau, j'écoute les fleurs qui y vivent respirer et prendre leur aise. Elles n'hésitent pas à empiéter sur le territoire de leurs voisins, papillons, sentiers, nuages qui les accueillent en leur faisant un peu de place. Je les observe s'ébrouer et se déplier, se cacher, s'étirer, danser. Elles paradent sans justification ni explication, et je m'émerveille du mélange de sérieux et d'insouciance qui les anime ; non pas le sérieux qui pèse ni l'insouciance qui dissipe, mais l'insouciance et le sérieux qui s'associent sur le visage des enfants lorsqu'ils jouent. La manière qu'elles ont d'exister, sans hâte, de s'exposer et de se dérober me bouleverse. " 

                                Jean Prod'Hom



Ce silence amélioré ne serait-il désormais que souvenir d'enfance? Au lever ce matin, la paix de la nuit est rapidement rompue par des couches de bruits superposés. D'abord celui d'un organisme qui s'éveille dans  une maison qui s'ébroue, feulements de portes, sons de salle d'eau, bouilloire annonçant le café. Plus rugueux, venant de l'extérieur proche, les chocs sourds des travaux de voirie dans la rue, une mobylette, une ambulance, un bus qui assure sa navette. Dans le lointain, rassurant par sa régularité, l'appel du train assurant la ligne Bruxelles-Ostende. Et tout au loin, les jours où un vent favorable nous l'apporte, la rumeur sourde et continue du Ring entourant la capitale, charriant la vie des gens qui se rendent au travail comme circule le sang dans nos artères, grondement indistinct comme une rumeur, sans hauts ni bas, le son du labeur d'une journée qui s'ébroue.


Lu dans:
Jean Prod'Hom. Elargir les seuils. Petite bibliothèque de spiritualité. Labor et Fides. 2023. 110 pages. Extrait p. 10

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