"En ce moment même
dans les rues, les open spaces, le métro, les amphis
des millions de romans s'écrivent dans les têtes
chapitre par chapitre
effacés, repris et qui meurent tous
d'être réalisés ou de ne pas l'être."
Annie Ernaux
Je fus un enfant fasciné par la contemplation du firmament: tous
ces mondes côte à côte dans la nuit, que s'y passait-il, et s'y
trouvait-il un enfant comme moi qui regardait ma planète? Cette
semaine dans ma ville, je contemplais les passants, imaginant les romans
véhiculés dans leurs têtes. Toutes ces vies qui s'entrecroisent sur le
piétonnier encombré, qui rêvent à leur passé, se créent un avenir,
pleurent un amour, craignent pour leurs enfants, pensent aux rivages
ensoleillées de leur pays d'origine ou plus prosaïquement au repas
qu'ils prépareront ce soir. Mon firmament se serait-il à ce point
rétréci avec les années? Ou comme les fractales, se serait-il infiniment
morcelé, donnant à voir à l'échelle de mon expérience actuelle
l'entièreté de l'univers dans ces humains qui partagent mes rues et ma
ville?
Lu dans :
Annie Ernaux. Mémoire de fille. NRF. Gallimard. 2016. 160 pages.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire