"La nuit était sans nuages et étoilée, la lune se levait au-dessus de Westminster. Rien n’aurait pu être plus beau, et les projecteurs qui s’entrecroisaient en certains points de l’horizon, les éclairs en forme d’étoiles des explosions d’obus dans le ciel, la lumière des brasiers au loin, tout cela contribuait au décor. C’était magnifique et terrible : le vrombissement spasmodique des appareils ennemis au-dessus de nos têtes ; le tonnerre des coups de canon, parfois proche, parfois distant ; l’illumination, comme celle des décors de trains électriques en temps de paix, quand les batteries ouvraient le feu ; et cette myriade d’étoiles, réelles et artificielles, au firmament. Jamais il n’y avait eu un tel contraste entre la splendeur naturelle et l’ignominie humaine. »
Erik LARSON
15 octobre 2021
Schadenfreude
C'aurait dû être un beau dimanche. Juste avant que tout le monde passe à
table, les sirènes retentirent, et le murmure des bombardiers allemands
ne tarda pas à enfler dans le ciel. John Colville, proche conseiller de Winston Churchill, monta dans une chambre.
Toutes lumières éteintes, il se tapit derrière une fenêtre pour assister
au déroulement du raid. Tout lui parut très irréel – des bombes
s’abattaient au cœur de sa capitale, chez lui – mais dégageait aussi
une certaine beauté, que le jeune homme tenta de décrire dans son
journal avant de se mettre au lit. Il existe un mot allemand intraduisible, Schadenfreude,
exprimant le plaisir trouvé dans le malheur d’autrui. M'est revenue en
mémoire la description que fit Cathérine Cusset dans Le Monde des
sentiments mêlés que lui inspirait une image emblématique, reproduite
par la plupart des Unes de magazines le lendemain du 11 septembre 2001,
cette "gigantesque sculpture moderne, encore incandescente, entourée
d'un nuage de fumée noire. Devant cette sculpture, il y a un arbre, et
les feuilles sont couvertes de neige. C'est la cendre. C'est très beau."
Ce qui me valut la vive réaction d'un ami soulignant que l'horreur ne
saurait jamais lui inspirer la beauté.
Lu dans:
Erik Larson. Trad. Hubert Tézenas. Cherche Midi. 2021. 688 pages. Extrait p. 331
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