Louis
"Louis s’est alité pour de bon, le souffle rauque et transpirant à grosses gouttes. Rassasié de vie, il ne craint qu’une chose : devoir quitter la fenêtre par laquelle il a vue sur son jardin et le potager qui le borde. Tant d’années consacrées à semer, repiquer, arroser, tailler ne peuvent s’évaporer sur un brancard d’ambulance appelée dans l’urgence. Louis fut ainsi mon premier patient, quatre jours avant que ne s’ouvre mon cabinet, sentant bon la peinture fraîche et la science récemment acquise. Je le vis à son domicile, mon jeans et ma chemise tachés par le plâtre. Il voulait rester chez lui, ce qui bouleversait tous mes projets thérapeutiques acquis en faculté, mais c’est ainsi que le métier entre : je le laissai contempler son jardin. Il nous quitta le lendemain, doucement.
J’ouvris ma pratique à la date prévue. Avant d’avoir guéri un seul patient, j’avais déjà un mort, ce qui m’enseigna l’humilité."
Carl Vanwelde. Carnets buissoniers.
Ces quelques modestes lignes apparurent, bien des années plus
tard, dans un encart du courrier des lecteurs du Journal du
Médecin, son rédac-chef et ami de toujours Maurice Einhorn
souhaitant apporter une note poétique et positive à son
hebdomadaire, dont certaines pages donnaient de la profession une
image parfois tristounette. Une quinzaine d’années séparent le
premier de ces courts récits (Louis) du dernier (Georges), avec
une longue interruption au milieu. Les aurais-je écrits à
l’identique avec le recul qu’apportent les années et de nouvelles expériences? Non sans doute, mais je
ne les renie guère et il a été choisi de les offrir tels quels
dans leur imperfection. Les éditions Weyrich (Neufchâteau) me font
l'amitié de les publier dans une belle mise en page, ciselée
jusque dans le choix de la couverture. Je peux - enfin - ranger
ces nombreux billets épars sur mon disque dur depuis tant
d'années: ils ont trouvé leur bibliothèque.
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