"Elle est de celles qui sourient avec dans le regard
des éclats de pardon
elle caresse d’un geste vif
les visages couturés. (..)
Je la regarde avec fièvre,
cette déesse tombée
dans les plaies pourries des hommes."
Anne-Marie Derèse
Comme les peintres, j'ai mes modèles. Celle que j'évoque est partie
de longue date, elle portait un anachronique habit de religieuse
consacrée aux plus pauvres, et arpentait les rues de mon quartier à pied
et en transport en commun. Soignante, elle apprit au jeune médecin que
soigner était avant tout aimer, et ne rien attendre en retour. Elle
était elle-même âgée, en piètre santé et me demanda un jour que je
prenne en charge ses misères, j'en fus à la fois ému et honoré. Quelques
années plus tard, elle rentra à la maison-mère à Rennes, et dix fois je
me promis d'aller la saluer. Rennes est loin, une année est courte, et
j'appris son décès avant de l'avoir revue. Mais quand il m'arrive,
longtemps depuis, de voir arriver un patient très vieux, très malade,
très voûté, démuni de tout, je me surprends à murmurer "faudrait que
j'en parle à la Sœur". M'aura-t-elle appris davantage sur le métier de
soigner que mes longues années de médecine, ce n'est pas impossible.
Lu dans:
Anne-Marie Derèse. La Belle me hante. Coudrier. 2020. 111 pages.
Anne-Marie Derèse. La Belle me hante. Coudrier. 2020. 111 pages.
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