"En refermant la portière, j'observe devant mon pied une petite fleur violette, éclose dans une fêlure du bitume. Comment a-t-elle fait pour arriver ici? Pour percer et croître, échapper si longtemps aux pas et aux pneus ? Cherchait-elle ce soleil qui me caresse le front ? Je lève les yeux au ciel et il me semble que les nuages filent anormalement vite, que le vent les balaie pour faire place au soleil.".
Charles Pépin.
Sur le sol des toilettes, une petite araignée zigzague, sa
trajectoire désordonnée butant sur ma semelle, le mur, la porte.
Quel hasard l'a menée là, y était-elle avant moi, où l'ai-je
moi-même apportée dans le revers de mon jeans d'une lointaine
prairie? On ne saura jamais ce qui nous fait nous retrouver à
l'endroit où nous sommes. Mis à part l'évidence que le petit
insecte, pas plus que la fleur violette de Charles Pépin,
n'inscrivent à cette heure leurs réflexions sur le mystère
d'exister, peu de choses en définitive nous distinguent de notre
commune méconnaissance des raisons de nous retrouver ici et
maintenant, ni où nous serons demain. On est là, c'est tout, et nous
échappent à la fois le pourquoi et le comment. Petite araignée,
comment pourrais-je t'écraser d'un geste machinal après avoir
effleuré une seconde notre communauté de destin?
Lu dans:
Charles Pépin. La joie. Gallimard 2014. Folio 6122. 186 pages. Extrait p.17
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