"Les premières oies sauvages sont passées ce matin, d'autres passeront, demain et dans les jours qui viennent. C'est important, le vol des oies sauvages : elles dessinent des messages dans le ciel. (..) Ce matin, j'étais en train de m'occuper des fleurs quand j'ai entendu leur cri. J'ai levé les yeux et les ai vues, en V, qui fuyaient l'hiver et se tendaient vers l'Espagne. Je suis resté longtemps sans bouger, à les contempler : je sentais le vent qu'elles affrontaient, je sentais leurs ailes qui insistaient, je les sentais jusque dans les muscles de mes bras; elles savaient où elles allaient avec une force folle."
Charles Pépin
Dans une autre vie, enseignerai-je la philo? On rangerait
soigneusement les œuvres de Kant et de Kierkegaard et on gagnerait au
soir couchant les espaces où se laisse découvrir le ciel. Couchés dans
l'herbe, on apprendrait des oiseaux migrateurs que les vents contraires,
les prédateurs, la brume tenace, la fatigue dans les ailes ne gênent
guère quand on sait où on va, avec une force folle. Que cela manque à
tant de nous, cette terre lointaine qui nous sert de boussole, explique
sans doute le désenchantement que suscite un quotidien où tout est prévu
pour rendre l'existence à la fois sûre et facile. La difficulté
d'avancer est une joie quand on sait où on va.
Lu dans:
Charles Pépin. La joie. Gallimard 2014. Folio 6122. 186 pages.
Extrait pp. 178, 179
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