10 juin 2020

Ces voyages intérieurs en extérieur

"Il faut regarder le ciel intensément
c'est un immense manteau    qui nous recouvre de sa beauté
de sa chaleur lumineuse et de ses mystères
j'aime les nuages
les nuages qui se passent la main
là-bas dans le ciel
les merveilleux nuages
les regarder         c'est regarder bien plus loin."
            Marion Hänsel.  Nuages: lettres à mon fils



Marion Hänsel a largué les amarres hier. "Il était un petit navire", son dernier film autobiographique, aura été sa manière de nous dire au revoir, avec pudeur et une infinie poésie. Alors que semble prendre fin la longue épreuve d'une épidémie destructrice, la belle réflexion qu'une femme hospitalisée porte sur elle-même et ce qui l’entoure, sa chambre, la vue sur la ville, le ciel, les couloirs, les ascenseurs et le personnel soignant, acquiert une densité particulière. Elle écoute les sons, différents de jour ou de nuit. Elle a le temps de rêver, de revoir certains moments de sa vie. Comme le résume joliment Fabienne Bradfer dans Le Soir, "film après film, (..) elle a cherché à saisir l’insaisissable universel de nos vies, de nos tourments, de nos racines, sans peur des silences. Son cinéma a mis en scène des hommes et des femmes en quête des petites choses de la vie et cherchant à larguer les amarres. Elle avait ce fascinant mélange de nostalgie du passé et d’urgence du moment, proposant des voyages intérieurs en extérieur. Il viendra vite un temps où l’on redécouvrira son œuvre." 
Deux souvenirs me reviennent ce soir: la chance d'un dîner partagé à l'initiative d'un ami cher, et la citation tirée du film Nuages, utilisée en fin du repas de mariage de notre troisième fils. Le jeune couple nous quittait le lendemain pour un périple d'une année aventureuse à vélo autour du monde, et seule la poésie de Marion Hänsel me parut être à la hauteur des sentiments que j'éprouvais pour eux. La longue scène des adieux à son fils, le reflet des nuages en mouvement dans la vitre du train qui s'éloigne, la main qui envoie comme un dernier baiser résumaient mieux que n'importe quel poème ce mélange de mélancolie et de confiance qui accompagne les grands départs.



Lu dans:
Fabienne Bradfer. Marion Hänsel a largué définitivement les amarres. Le Soir. Cinéma. 9 juin 2020 

Aucun commentaire: