"Et les vieux, comme ils n'ont plus que ça à faire, ils racontent le passé comme personne. Pas la peine de chercher dans les livres ni les films: comme personne. Ce jour-là, j'ai compris que les anciens, il suffit de les toucher, de leur prendre la main pour qu'ils racontent. Comme quand on creuse un trou dans le sable sec au bord de la mer, l'eau remonte systématiquement sous les doigts. "
Valérie Perrin
Il approche des cent ans, et travaillait dans un atelier de
confection de pièces mécaniques. Tout ce dont il se souvient, à
part la fatigue de la fin de journée, c'est qu'il chantait au
travail, et ses camarades aussi "quand vous voyez la Lisette /
vous en perdez la raison / mais vous perdez aussi la tête / dès
que vous voyez Lison". C'était à 500 mètres de notre maison,
l'atelier est devenu un centre culturel. Pensif, je contemple
cette rue et sa placette abritant deux coiffeurs, un fleuriste,
une boulangerie normande et notre garagiste. Comme l'atelier à
chansons, nous passerons et ces rues poursuivront leur vie. Nos
enfants raconteront qu'à l'époque, ils roulaient à vélo sur les
trottoirs, que les chiens y posaient la crotte, et qu'on laissait
la porte entrouverte quand on allait acheter le croissant. Et
leurs propres enfants les croiront à peine.
Lu dans :
Valérie Perrin. Les oubliés du dimanche. Le Livre de Poche. 2017. 416 pages. Extrait p.17 et 18
Valérie Perrin. Les oubliés du dimanche. Le Livre de Poche. 2017. 416 pages. Extrait p.17 et 18
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