"Prière des gens qui vivent au monastère, et prière de la vie des gens qui l'entourent, prière qui ressent par la porte ouverte les coups de vent et la brise. Prier, à Tibhirine comme ailleurs, n'est pas réciter mais bien ressentir et épouser les aspirations des êtres, et les présenter à Dieu."
Jean-Marie Lassausse.
Dans une autre vie je partageai le quotidien de Khaligat, premier centre
d'accueil ouvert par les sœurs missionnaires de la Charité à Calcutta.
Il est des moments où le besoin de revenir aux sources du métier se fait
pressant, parenthèse nécessaire pour reprendre un sillon professionnel
menacé d’essoufflement. La journée de travail débutait immanquablement
par la prière des matines au 54 A Lower Circular Road, longue chapelle
envahie dès potron-minet par une chaleur étouffante et par le vacarme
assourdissant du ring de Calcutta où le trafic ne cesse jamais. Instants
précieux gravés dans ma mémoire où se mêlaient le chant des
religieuses, l'expression d'une spiritualité incarnée dans la réalité,
les attentes des malades au mouroir et celles de mes patients
d'Anderlecht que je retrouverais quelques jours plus tard. Si prier peut
garder un sens dans nos existences traversées par les doutes, c'est
incontestablement à de pareilles expériences qu'on le doit. J'ai oublié
les paroles des psaumes, mais pas le bruit des camions, ni les râles des
mourants de Khaligat. Étrange et précieuse prière qui m'habite encore.
Lu dans:
Jean-Marie Lassausse, Christophe Henning. Le Jardinier de Tibhirine. Bayard 2010. 158 pages. Points Vivre P3380. Extrait p.67
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