"Si l’on exclut la traite des esclaves à son point culminant, ce mouvement de masse de peuples et de personnes est maintenant plus important qu’il ne l’a jamais été. Il implique la distribution d’ouvriers, d’intellectuels, de réfugiés, de commerçants et d’armées, traversant tous océans et continents, que ce soit en passant devant les douanes ou par des voies clandestines, accompagnés de récits multiples racontés dans les langages multiples du commerce, de l’intervention militaire, de la persécution politique, de l’exil, de la violence, de la pauvreté, de la mort et de la honte. Il fait peu de doute que le déplacement volontaire ou involontaire de personnes dans le monde entier règne à l'avenir sur les ordres du jour des États, des conseils d’administration, des quartiers et des rues.
Toni Morrison, au Louvre en 2006."
Un jour les nomades devinrent bergers, la culture remplaça la cueillette
des fruits sauvages, l'élevage la chasse, et on traça des frontières
pour vivre en paix. En reviendrait-on insensiblement à une époque de
nomadisme, bien décrit par Morrison dans un texte prémonitoire,
volontaire ou involontaire, de survie ou de croissance, pacifique on
guerrier, avec possibilité de retour ou exil définitif? Élargir le débat
des flux migratoires en considérant toutes ses composantes transforme
un problème de plomberie en un débat de société quasi philosophique
qu'on ne saura longtemps esquiver. Le bonheur humain repose-t-il dans la
stabilité, le droit du sol, la tranquillité ou dans le mouvement,
l'inconnu et le risque du partage?
Lu dans:
Toni Morrison. Prix Nobel de littérature 1993. Conférence au Louvre le 6 novembre 2006.
cité par Christiane Taubira. Baroque sarabande. Ed Philippe Rey. 2018. 173 pages.
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