"Chacun est un migrant dans l’absolu."
Hamid Mohsin
J'avais six ans quand j'ai quitté le pays la première fois: en vacances à
La Panne, nous avons marché jusque Bray Dunes. La rue de mon enfance
demeure intacte dans mon souvenir: même véhicule devant l'entrée, mêmes
voisins durant vingt ans. J'ai cru reproduire ce cadre rassurant à l'âge
adulte: même profession, même adresse, mêmes voisins et amis proches un
bon nombre d'années. Et progressivement, c'est le monde qui a migré.
Les rares voisins familiers de nos débuts sont morts ou en sursis,
toutes les couleurs de la planète animent la salle d'attente, des
enfants rieurs récemment arrivés se bousculent à nouveau sur les
trottoirs, les cuisines du monde garnissent notre table. L'étranger venu
de loin habite à nos côtés, nos enfants ont eux-mêmes parfois migré sur
d'autres continents pour de plus ou moins longues périodes. Dans le
train de la vie, le nez à la fenêtre, on peut ressentir ce sentiment
d'étrangeté: sans jamais avoir quitté sa cabine, le paysage qui nous
entoure varie sans cesse, méconnaissable, faisant de nous des
autochtones migrants.
Lu dans:
Hamid Mohsin, un optimiste de la nature humaine. Entretien avec Nicolas Crousse. Le Soir 3 mars 2018.
Hamid Mohsin. Exit West. Traduit de l'anglais (Pakistan) par Bernard Cohen. Grasset. 2018. 208 pages
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