"Au seuil de l'invisible
qu'a donc été ta vie?
Dans le soleil couchant
un haut nuage en feu
porté par le vent froid,
qui lentement s'éteint
en plongeant dans la nuit."
Claude Vigée
Je n'ai rien trouvé de plus beau que ces quelques lignes pour illustrer
ce moment étrange de la liturgie chrétienne représenté par le samedi
avant Pâques, le jour du grand silence qui suit la disparition d'un être
aimé. Enfants, le récit qui nous en était fait - dans toute sa noirceur - débouchait invariablement sur la même image et la même musique: la lumière du soleil levant
illuminant le tombeau vide et les cloches "revenues de Rome" avec les
œufs largués dans les jardins carillonnant dans nos oreilles. "Je
n’enseigne pas, je raconte" écrivait Montaigne, je mesure aujourd'hui à
quel point ce récit simple, cette féerie de sons et de lumière nous
vaccinaient contre la désespérance. Devenus croyants ou mécréants,
comment cultiver une lucidité sereine? On peut s'en inspirer en
détaillant le Radeau de la Méduse (Géricault) où, perdus sur une mer
d'encre, seuls quelques naufragés perçoivent au loin une infime lueur,
celle de l'Argus venant les sauver. N'être que cette lueur pour ceux qui
nous entourent, ces quelques braises dans un feu qui se meurt,
constitue déjà un beau programme.
Je vous souhaite une belle fête de Pâques.
CV